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Menace de démolition d’une autre église

Vincent Yergeau

Menace de démolition d’une autre église

Publié le 15/12/2022

À l’église de Saint-Joseph-du-Lac, il est minuit moins cinq, pas pour entendre le plus grand cantique religieux qu’est « Minuit chrétien », mais l’heure solennelle est pour éviter que le bâtiment du patrimoine bâti tombe sous le pic des démolisseurs.

Avant que l’église ne soit plus qu’un triste souvenir, le curé remplit son bénitier, plonge son goupillon, un petit bâton sacré avec un bout en forme de boule, pour une aspersion d’eau bénite aux citoyens. 

« Les gens doivent se prendre en main et démontrer qu’ils veulent sauver leur église. Sinon, c’est la fermeture complète qui nous attends », n’a pas mâché ses mots, le curé Michel Jasmin, en entrevue téléphonique avec votre hebdo L’ÉVEIL. 

Les catholiques croyants et pratiquants devront certes se mobiliser, mais devront aussi compter que sur un minuscule groupe. « À peine 1 % des gens des paroisses avoisinantes viennent à la messe », a lancé Monsieur le curé, visiblement découragé en prononçant cet anémique taux de participation.

Encore plus inquiétant pour la survie de cette église, moins de 1 % des paroissiens payent leur dîme. Le chiffre exact : 0,8 %.

« La pandémie nous a fait très mal. Parfois ouvert, parfois fermé, parfois ouvert à moitié. Pas de quête ou beaucoup moins en 2020-2021. Pas de mariage, pas de funérailles, pas d’argent », se désole le prêtre qui continue de prier pour qu’un miracle arrive. 

« C’est possible. Oka et Saint-Benoît en sont la preuve vivante. Des fondations ont été mises de l’avant et les deux églises ont été sauvées. Les gens de Saint-Joseph-du-Lac devront aussi mettre l’épaule à la roue », martèle le curé de la paroisse de Saint-François-D’Assise qui regroupe quatre églises, dont celle de Saint-Joseph-du-Lac.

Bien que le scénario soit différent, l’église de Saint-Placide a été également secourue par les citoyens, à la différence que la Municipalité en a fait l’achat au coût de 1 $.

Zéro ouverture du conseil municipal

Si jamais le résultat est le même, celui que l’église soit rescapée, ça ne sera certes pas grâce à l’aide de la localité, dénoncent les contribuables. Le maire Benoit Proulx est intransigeant : « Ce n’est pas la vocation d’un conseil municipal de prendre en charge une église, surtout pas si elle nécessite d’importants travaux de modernisation », a répondu le maire Proulx, assiégé de questions lors de la dernière séance ordinaire des membres de son conseil municipal, tenue le 6 décembre dernier.

Des citoyens s’étaient déplacés pour exprimer leur grand désarroi, voire frustration, face à l’ouverture dite « complètement fermée du maire et des conseillers » pour la survie de cette église, non inscrite au Registre du patrimoine culturel du Québec.

Une dame a demandé au maire la possibilité de recevoir une aide quelconque pour défrayer les coûts de chauffage de l’église qui s’élève à environ 20 000 $ pour l’hiver. 

« Non, on n’ira pas là », a rétorqué le maire de la localité de 7 000 habitants, offrant par contre la location de la salle du conseil municipal pour célébrer la messe, le jour du Seigneur. 

« Je suis peinée. Je suis démolie d’entendre votre manque d’ouverture. Non, non et encore non, peu importe ce que l’on propose. Ce n’est pas important de sauver l’église que pour les chrétiens, mais pour le patrimoine. C’est notre histoire », a renchérit une autre citoyenne.. 

« J’ai à cœur cette église dont nos ancêtres ont bâti à la sueur de leur front. Les églises n’ont jamais payé un sou de taxe. Certains sont mécontents de savoir que 8 % de l’argent est retourné au diocèse de Saint-Jérôme », a déclaré le maire, qui a un certain moment durant la période de questions a perdu patience, face à des questions débridées et des commentaires décousus. 

Québec n’aide pas les municipalités, mais les églises oui

À la défense du maire Proulx, le ministère des Affaires municipales du Québec n’autorise pas une municipalité à emprunter pour faire l’achat d’un bâtiment avec un lieu de culte. « Nous avons regardé la possibilité d’en faire l’achat, mais juste la couverture doit être refaite au coût de 1 M$. Plusieurs autres millions sont nécessaires pour les travaux et dès qu’on dit qu’il y aura un espace réservé à un lieu de culte dans le bâtiment pourtant multifonctionnel, c’est un refus », a-t-il expliqué à un résident qui soulevait la possibilité de changer la vocation de l’église pour bénéficier des subventions. 

Le maire aussi invité ses concitoyens à créer une fondation et à organiser une collecte de fonds. « Je vais y participer », a-t-il assuré. 

Ironiquement, le gouvernement du Québec vient de débloquer quelque 50 M$ pour retaper les quelque 2 500 églises au Québec, qui ont besoin d’une cure de rajeunissement. Un calcul rapide, donne 20 000$ par église, soit exactement le montant estimé pour chauffer adéquatement l’église de Saint-Joseph-du-Lac pour le prochain hiver.