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<strong>Une question de temps</strong>

Une question de temps

Publié le 12/03/2013

Tout n’était qu’une question de temps. La vie de Ronny Keller, ce hockeyeur de la Ligue nationale B en Suisse, dont la tête a lourdement fracassé la bande la semaine dernière, est brisée à jamais.

Alors qu’il tentait de récupérer une rondelle lancée dans le coin de la patinoire à partir de la zone centrale, le défenseur du EHC Olten a été victime d’une charge par-derrière de la part de l’attaquant Stefan Schnyder, du SC Langenthal, qui lui a fait perdre l’équilibre à une dizaine de pieds de la bande. Le défenseur de 33 ans n’a eu aucune chance. Sur le jeu, il a subi des dommages irréversibles à la suite d’une blessure à la quatrième vertèbre dorsale. Il sera paraplégique pour le restant de sa vie. Évidemment, toutes les critiques du monde ne renverseront jamais ce qui s’est passé, et il est facile de dire, après coup, qu’un tel drame aurait pu être évité.

N’empêche. Oui, le hockey est devenu tellement rapide, et les joueurs, tellement puissants, qu’une fraction de seconde suffit à faire changer une situation, et les décisions d’un joueur peuvent faire en sorte de mener à des conséquences graves qui, parfois, ne peuvent qu’être attribuables à des circonstances bien malheureuses. N’empêche. Si l’on regarde les images du jeu, l’assaillant de Ronny Keller ne peut plaider la fraction de seconde pour expliquer la situation. Les deux joueurs ont en effet foncé vers la rondelle à partir de la zone centrale, non loin de la bande opposée où s’est déroulé l’incident, Keller en premier, puis Stefan Schnyder à sa poursuite. Personne ne peut non plus plaider la perte d’équilibre du défenseur ou le fait qu’il n’a pas tenté de se protéger. Ce dernier, conscient de la pression, dont il faisait l’objet de la part de l’attaquant du SC Langenthal, a tenté de se protéger d’une possible charge sur la bande en freinant à quelques mètres de la rondelle et de la bande. Plutôt que de jouer la rondelle, Stefan Schnyder a plutôt décidé d’y aller d’un coup d’épaule. L’effet catapulte s’est produit, Keller étant projeté vers la bande.

Évidemment, je suis convaincu que Stefan Schnyder donnerait tout ce qu’il peut pour refaire le jeu autrement, mais il est trop tard. Si plusieurs observateurs estiment que c’est un signe qu’il faudrait mieux éduquer les joueurs sur la façon de recevoir une mise en échec, je crois qu’il faudrait plutôt éduquer les éventuels agresseurs sur les conséquences désastreuses de ce genre de situations. On le fait très certainement avec les jeunes, mais force est de constater que dans les rangs supérieurs, cette loi du gros bon sens est mise de côté au profit du spectacle et de comportements qui seraient inacceptables dans la société civile. D’ailleurs, au moment d’écrire cette chronique, la décision de poursuivre ou non Stefan Schnyder au criminel n’avait pas encore été prise.

Les athlètes sont évidemment conscients des risques de blessures qui les attendent lorsqu’ils évoluent au sein d’une ligue professionnelle, qu’il s’agisse de hockey, de football ou de tout autre sport de contact, mais il y a tout de même des limites à respecter pour préserver l’intégrité des individus.

Je n’ai pas entendu beaucoup de dirigeants de la LNH s’exprimer sur le sujet, autrement que pour se désoler du «malheureux accident» arrivé au joueur. Pendant ce temps, les Dion Phaneuf de ce monde continuent de distribuer les mises en échec vicieuses et dangereuses. Ici comme ailleurs, tout n’est qu’une question de temps, malheureusement.