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Tout faux

Tout faux

Publié le 22/03/2011

Après avoir revu comme vous plus d’une centaine de fois l’incident Chara-Pacioretty, je croyais bien y avoir vu une mise en échec illégale où les mains étaient portées à la hauteur de la tête de l’adversaire. Je croyais bien y avoir vu, bien sûr pas une intention de briser la quatrième vertèbre et de causer une commotion cérébrale, mais du moins celle de faire mal à ce misérable jeunot qui s’était permis une poussée à l’endroit du fameux grand défenseur format géant, après avoir marqué le but vainqueur en prolongation deux affrontements plus tôt. Je croyais bien aussi que Mike Murphy allait appuyer la décision de ses officiels, comme il le fait généralement, eux qui avaient infligé une punition majeure et une de partie à Chara. Eh bien, j’avais tout faux!

Le grand Chara, un candidat au trophée Norris et un pilier des Bruins de Boston, une équipe impliquée dans plusieurs incidents semblables, a candidement prétendu qu’il ne savait pas où il se trouvait sur la glace et qu’il ne savait même pas que le joueur qu’il frappait était Pacioretty. Et le préfet de discipline Murphy l’a non seulement cru, mais il a déclaré son geste tout à fait légal selon le concept de «terminer sa mise en échec» en vigueur dans la LNH. Et 24 des 30 directeurs généraux de la LNH se sont dits d’accord avec lui. Et les Milbury, Cherry et autres laudateurs de ce genre de hockey de jeter le blâme sur le poteau et les bandes rigides du Centre Bell, question de fermer le clapet à Geoff Molson, lui qui a osé écrire son désaccord à l’empereur Bettman. Voyez bien que j’avais tout faux!

Dans tout ce brouhaha, le commentaire qui m’a le plus frappé aura été celui de Mike Cammalleri: «Dès qu’on est jeunes, on nous enseigne à frapper pour faire mal. Il y a deux types de mises en échec: la première, c’est pour séparer le joueur de la rondelle, c’est stratégique avant tout. Et la deuxième, c’est pour faire mal.» Par ailleurs, le Dr Michael Cusimano, un neurochirurgien ayant étudié les blessures subies par des enfants pratiquant le hockey, préconise lui l’abolition pure et simple des mises en échec au hockey mineur. Quant à moi, j’ai toujours pensé que la mise en échec est au hockey ce que le plaqué est au football. Entre enseigner à frapper que pour faire mal et abolir la mise en échec, n’y a-t-il pas un milieu qui s’appelle la mise en échec telle que décrite dans les règles du hockey? Si au lieu de tolérer que l’on frappe un joueur qui n’est déjà plus en possession de la rondelle depuis plusieurs secondes, on imposait une punition, les joueurs s’y adapteraient rapidement tout comme ils l’ont fait avec l’accrochage, ce qui réduirait leurs risques de blessure. Mais, je dois encore une fois avoir tout faux!

Puisque la LNH refuse d’agir dans ce dossier, Hockey Canada, Hockey Québec et toutes les associations de hockey mineur devraient dorénavant assumer la responsabilité de redorer le blason du hockey. Et ça ne passe pas par l’abolition de la mise en échec, mais par un changement de culture vis-à-vis celle-ci. La prohibition n’a pas réglé le problème des ivrognes pas plus que la censure a éliminé la luxure. Il faut que nos entraîneurs mineurs inculquent à nos jeunes hockeyeurs les notions de base de la mise en échec et du respect physique de l’adversaire à l’intérieur des règles. Mais encore une fois, est-ce que j’aurais tout faux?