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Temps mort

Temps mort

Publié le 13/03/2012

Il fut un temps où les saisons de hockey débutaient vers le congé de l’Immaculée-Conception (le 8 décembre pour les mécréants) et se terminaient vers la mi-mars. Les joueurs déneigeaient la patinoire aux entractes et les entraîneurs étaient la plupart du temps un père, un frère (religieux) ou un prof dévoué. Les équipes n’alignaient qu’une douzaine de joueurs, froid oblige, et les parents entassés sur le banc de neige n’avaient pas de chronomètre en poche pour mesurer le temps de glace du fiston. Artisanal me direz-vous, mais en sont toutefois issus des Richard, Béliveau, Howe, Moore, Geoffrion, Harvey, Hull et plusieurs membres du Temple de la renommée du hockey.

On a ensuite bâti des arénas. Les saisons ont alors débuté plus tôt, coïncidant généralement avec le début des classes pour finir autour de Pâques. Le baseball se pratiquait l’été, le soccer et le football n’avaient que peu d’adeptes, si bien que les garçons pouvaient consacrer au hockey leurs temps de loisir hivernal, évidemment après l’école et durant les week-ends. Les entraîneurs étaient les mêmes que ceux de la génération précédente et ils ont réussi à développer des Orr, Lafleur, Dionne, Perrault, Bossy et plusieurs autres membres du Temple. Et ainsi jusqu’à la Série du siècle, dont on fête cette année les 40 ans. Cette série, au cours de laquelle on a découvert que le Canada n’était pas la seule puissance en la matière, a provoqué toute une onde de choc chez les penseurs de notre hockey. À l’instar des méchants Soviets de l’époque, on a créé des fédérations qui mettraient de l’ordre dans notre supposé fiasco et redonneraient au hockey canadien et québécois ses lettres de noblesse. Grâce à ces penseurs fédérés, nous voilà donc aujourd’hui avec des hockeyeurs pris au berceau, des grades pour les entraîneurs, des camps d’entraînement en août, obligatoires sous peine de se voir rétrograder à un niveau inférieur et qui viennent en conflit avec les saisons de baseball et de soccer. Les parents qui déboursent de grosses sommes sont aussi devenus des dépisteurs épiant les faits et gestes des entraîneurs, chronomètre en main, question de rentabiliser leur investissement. Un peu à l’image de la réforme scolaire, on en est aujourd’hui à se demander ce que cette refonte du hockey aura rapporté. Des parents qui dépensent des milliers (et je n’exagère pas) de dollars pour faire profiter leurs enfants de structures d’élite alors qu’au cours des quatre dernières séances de repêchage de la LNH, seulement 31 jeunes Québécois auront entendu leur nom prononcé parmi les 400 premiers réclamés.

Pour la plupart des jeunes hockeyeurs, sauf ceux dont les équipes se seront qualifiées pour les finales des régionaux ou dont les entraîneurs auront planifié un tournoi, la saison prendra fin la semaine prochaine, tout comme au temps des patinoires extérieures de village. Un ami, dont le bon sens est généralement reconnu, me demandait dernièrement pourquoi on ne commencerait pas la saison en septembre et la prolonger durant les mois de mars et avril, un temps mort s’il en est un. Je doute que cette question soit retenue pour discussion. Le hockey est devenu une grosse industrie qui doit être profitable à longueur d’année et où le jeu n’a plus beaucoup de place. Pour la dizaine d’élus, annuellement, qui fouleront ou non une glace de la LNH et pour tous les profiteurs qui grenouillent autour du sport, «the show must go on». Même si la grande majorité de nos jeunes hockeyeurs passera ce temps mort devant ses jeux vidéo préférés ou sur Facebook en attendant la saison de baseball.