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Payer ou ne pas payer?

Payer ou ne pas payer?

Publié le 31/05/2011

Telle eût sans doute été la question que se serait posée William Shakespeare, eût-il été un contemporain de Régis «Napoléon» Labeaume. Si j’ai bien compris, nos élus vont demain se pencher sur l’à-propos d’adopter un projet de loi visant à empêcher toute contestation judiciaire de l’entente entre Quebecor Média et la Ville de Québec pour la gestion du nouvel amphithéâtre, question de rassurer Herr Bettman et les hautes instances de la LNH.

Je laisserai à d’autres l’analyse politique, mais j’aimerais quand même souligner que ce projet de loi est étrangement parrainé par le même parti qui avait tourné le dos à la construction d’un casino pour aider les Nordiques en 1995 et qui avait envoyé paître les Expos qui exigeaient un nouveau stade en 1997 pour demeurer à Montréal. On jase là… Que cette entente soit légale ou pas, toute cette foire ne devrait cependant pas nous éloigner de la vraie question: «Est-ce que des fonds publics peuvent servir à financer organisations et athlètes professionnels, dont on se plaint ensuite qu’ils font de l’argent à nos dépens?»

Je dois admettre que dans tout ce débat, j’éprouve des sentiments partagés. D’une part, je pense que Québec, tout comme Winnipeg ou toute autre ville canadienne, représente un bien meilleur marché de hockey et mérite une équipe plus que n’importe quelle ville américaine. Je l’ai déjà écrit, je ne comprends pas qu’une ville comme New York compte trois équipes et que le hockey puisse se jouer en Floride, à Atlanta, en Caroline ou en Californie. Qu’on nous fiche la paix avec les supposés alléchants contrats signés avec les réseaux de télévision américains; quand y voit-on des matchs et quelle en est la cote d’écoute, ce barème tout-puissant qui donne droit de vie ou de mort sur tout ce qui grouille et grenouille au petit écran?

D’autre part, comment justifier un investissement de 400 millions partagé par une ville et un gouvernement provincial, argent puisé à même les taxes et impôts de monsieur Tout-le-Monde. Comment comprendre que Québec (la province) avance 200 millions dans ce projet alors que l’Alberta, pourtant outrageusement riche aux yeux de tous ses voisins jaloux, refuse d’injecter le moindre sou dans la construction d’un nouvel aréna à Edmonton? Sans doute le gouvernement québécois songe-t-il à utiliser les retombées du gaz de schiste pour aller chercher ce 200 millions et la Ville compte-t-elle se renflouer avec les revenus des spectacles de Céline présentés dans le nouvel amphithéâtre? «Fouille-moi!» comme disait ma mère.

Quant à monsieur Tout-le-Monde, surtout celui de Québec, il est à 80 % satisfait de l’entente négociée par Régis et à 65 % convaincu que l’Assemblée nationale doit adopter le projet de loi parrainé par Mme Maltais. Il n’y a là rien de très surprenant. Que monsieur Tout-le-Monde soit de Québec, Montréal ou d’ailleurs, ce qu’il (et je m’inclus dans le lot) veut, ce sont «du pain et des jeux», bien manger et s’amuser. Parce que dans le fond, tant qu’à se faire exploiter (pour ne pas utiliser un terme plus cru), aussi bien que ce soit par des idoles qui, elles au moins, nous divertissent un tant soit peu. Quitte à se plaindre ensuite sur toutes les lignes ouvertes que «ça n’a pas de bon sens de payer 10 $ pour une bière» ou encore que «il n’y a pas un h… de joueur de hockey qui vaut 10 millions» et que «ces maudits Russes-là s’en fichent de la Coupe Stanley, ils ont juste hâte de retourner chez eux pour l’été.» Presque aussi paradoxal que la vague orange, vous ne trouvez pas?