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<strong>Pauvres parents et parents pauvres</strong>

Pauvres parents et parents pauvres

Publié le 17/12/2013

Deux intéressants dossiers ont attiré mon attention cette semaine. D’abord celui de mon collègue Stéphane Proulx avec Le hockey est‑il plus violent que les autres sports d’équipe? et celui du magazine L’actualité avec La machine à broyer des rêves. À mon avis, tous deux répondent à la même question: pourquoi le hockey est‑il un sport en perte de popularité?

Dans son préambule, Proulx se demande si les parents délaissent le sport par conviction (trop violent) ou encore se cachent‑ils derrière ce motif par manque de désir d’investir temps et argent pour leurs enfants. À en juger par les réponses des parents interrogés, il semble unanime que le sport lui‑même ne soit effectivement pas plus violent que les autres sports d’équipe. Tous se rallient cependant pour dire que le laxisme dans la mise en application des règlements et la trop importante place aux bagarres et coups vicieux dans la LNH qu’y consacrent les médias parlés, écrits, télévisés et sociaux ne fait rien pour dissiper cette réputation de violence qui plane sur le hockey. Et ils ont raison. J’ajoute que cette violence qui répugne tant aux uns, constitue en fait une véritable mine d’or pour les autres. Dans ses directives à ses officiels, il est même à se demander si la LNH n’encourage pas cette violence. Il n’y a qu’à voir comment les arbitres ne font rien pour intervenir alors que les pugilistes hockeyeurs s’étudient longuement et à distance, pour comprendre que les bagarres font l’affaire de tous, ligue, joueurs, médias, spectateurs et téléspectateurs. Et quand on connaît l’influence que les vedettes du sport ont sur leurs jeunes admirateurs, il est facile de comprendre que certains parents préfèrent orienter leur enfant vers un sport apparemment moins violent.

Quant à la deuxième partie de l’interrogation posée par Proulx, l’investissement du temps et de l’argent, le dossier de L’actualité fournit une réponse on ne peut plus claire. L’accession à la LNH est une affaire de gros, gros sous pour les parents d’un surdoué de notre sport national. À un point tel qu’il est presque définitif qu’un enfant talentueux issu d’un milieu familial modeste n’a pratiquement aucune chance de percer dans le hockey élite. Comment devenir un joueur dans la LNH en 2014? D’abord en excellant dès l’âge de 5 ou 6 ans afin de rejoindre rapidement les rangs élites, les seuls à disposer des meilleurs et plus fréquents temps de glace. Ensuite, avoir les moyens de faire jouer fiston douze mois par année, suivre des cours privés de patin genre «power skating», un entraîneur physique personnel, sport-études, de préférence dans une école privée (22 000 $ annuellement pour l’Everest Academy à Toronto), payer les frais d’inscription à une équipe midget AAA (entre 5 000 $ et 8 000 $ annuellement), l’équipement, les bâtons à 300 $ la copie, et ce, sans compter les frais de déplacement et d’hôtels pour suivre le rejeton. Quel est l’espoir d’un jeune dont les parents n’ont pas les moyens? «Théoriquement, il est encore possible qu’il se rende jusqu’à la LNH. Mais les probabilités sont très, très minces», selon Joe Costa, de l’Everest Academy. Je le crois. Allez voir qui sont les parents des Fucale, Morin, Carrier, Poirier et Duclair, tous des choix du dernier repêchage de la LNH et vous me direz si vous croyez aux contes de fées.

Quel est le choix des parents dont les enfants mangent du hockey? Devenir des parents pauvres pour réaliser le rêve de fiston ou passer pour de pauvres parents qui ruinent l’espoir de leur fils en décidant de ne pas enrichir la «machine à broyer des rêves». Triste choix!