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<strong>Parler ou se taire, quelle différence?</strong>

Parler ou se taire, quelle différence?

Publié le 24/04/2012

On s’imagine parfois qu’il n’y a qu’à Montréal que les propos des personnalités sportives provoquent des réactions disproportionnées. Détrompez-vous! J’étais en Floride lorsque le gérant des Marlins, Ozzie Guillen a confié ce qui suit à un journaliste: «Je respecte Fidel Castro et vous savez pourquoi? Parce qu’il y en a beaucoup qui ont voulu le tuer au cours des 60 dernières années et ce sacripant (NDLR: traduction libre d’un pire mot) est encore là.» Non mais est-ce assez grave de tenir de tels propos, surtout dans un pays où le premier amendement de leur constitution permet à des Rush Limbaugh de tout acabit de déverser leur fiente sur les ondes radiophoniques? Les médias ont eu vite fait de s’emparer de la déclaration de Guillen et devant l’indignation de la diaspora cubaine vivant à Miami, le penaud gérant n’a eu d’autre choix que de s’excuser deux et trois fois plutôt qu’une en précisant bien sûr que ses propos avaient été mal interprétés. Insatisfaits de ces simples excuses, les Cubains floridiens ont exigé sa démission, mais ceux que nous avons mieux connus ici comme Grand Galop et Petit Trot, Jeff Loria et David Samson, l’ont sanctionné d’une suspension de cinq parties. Voilà ce qui arrive à un sportif qui s’aventure sur un sujet autre que le sport qui le fait bien vivre.

Par ailleurs, même en Floride et grâce à l’Internet, j’ai aussi pu lire le brouhaha que le silence d’un défenseur du Canadien a pu causer. À une question d’une journaliste qui demandait à Andrei Markov d’évaluer la progression de P.K. Subban, le taciturne défenseur russe y est allé d’un coutumier «Next question». Flairant le bon petit scandale juteux, la journaliste a insisté en lui demandant «Tu ne veux pas parler de Subban?», ce à quoi il aurait répondu dans la négative, d’un «ton ferme mais sans agressivité.» Et voilà! C’était assez pour emballer la machine médiatique montréalaise, laissée pour compte avec l’élimination hâtive du CH des séries de fin de saison. On a donc conclu de ce simple silence qu’il y avait non seulement conflit entre Markov et Subban mais que le sieur Subban constituait un sujet de discorde dans la chambre des joueurs. Se pourrait-il que Markov, qui n’a jamais été reconnu pour ses longs discours avec les journalistes, ait tout simplement voulu éviter de se mettre les pieds dans les plats en répondant dans une langue qu’il ne maîtrise pas tellement bien? Se pourrait-il que Markov ait tout simplement jugé que ce n’était pas à lui, un simple joueur, de juger le travail d’un de ses pairs? Le silence est d’or? Pas nécessairement!

Et que dire de Tim Thomas qui a refusé de se présenter à la Maison Blanche en évoquant: «Je crois que le gouvernement fédéral a pris une proportion hors de contrôle, ce qui menace les droits, les libertés et la propriété du peuple, en opposition directe avec la Constitution et la vision qu’avaient les pères fondateurs du gouvernement fédéral.» De ce fait,on lui a ensuite reproché la panne de victoire des Bruins en fin de saison.

On reproche aux athlètes leur absence du débat public, mais à voir ce que leur réservent leurs paroles ou leur silence, faut-il s’en étonner?