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<strong>Les médias, maudits et chéris</strong>

Les médias, maudits et chéris

Publié le 11/12/2013

Ainsi donc, Adonis Stevenson songe sérieusement (?) à quitter le Québec. Ainsi donc, les médias québécois ont fait preuve de racisme envers le champion mi‑lourd de la WBC en faisant la première page avec son passé criminel plutôt que d’encenser la deuxième défense réussie de son titre. Peut‑être un peu court comme argumentaire, mais il reste que cette sortie mérite réflexion.

Avait‑on raison de déterrer les actes de proxénétisme qui avaient valu à un Adonis Stevenson alors âgé de 20 ans une peine de dix‑huit mois de prison? Je ne le pense pas. Dans une société où on se réclame haut et fort de réhabilitation, les médias écrits ou parlés n’avaient absolument rien à prouver en ramenant dans l’actualité une manchette vieille de quinze ans, sinon de l’esbroufe populiste digne des journaux jaunes d’une époque révolue. Je pense n’apprendre rien à personne en disant que la boxe et ses sports apparentés sont souvent le refuge des «poqués» de la société; tu ne pratiques pas ce sport violent en passant par l’école des Grands Ballets. S’il est connu que le crime organisé a longtemps (et peut‑être encore?) régné en roi et maître sur ce sport pourtant chéri des biens nantis de ce monde, il demeure que plusieurs moins bien nantis ont pu grâce à lui, s’en sortir, et pas seulement en devenant champion du monde. Le club de boxe l’Espoir dirigé par le policier Evens Guercy en est un bel exemple. Bref, si un journaliste sportif couvre un combat de boxe, il n’a pas, à mon avis, à divulguer les secrets de confessionnal des athlètes concernés.

Pour en revenir aux déclarations d’Adonis, s’il faut condamner les médias pour avoir fait du sensationnalisme avec une triste histoire passée, il ne faut pas non plus tomber dans la larmoyante victimisation. Si Adonis pense qu’on a fait preuve de racisme à son égard, il n’a qu’à relire ce qui a été écrit sur les Paduano, Gatti, Hilton et autres sportifs qui, à tort ou à raison, ont fait le sujet d’articles peu flatteurs en raison de leur association douteuse ou de leurs gestes criminels. C’est également bien mal connaître l’histoire que de penser que quitter le Québec pour se réfugier aux États‑Unis afin de fuir le racisme serait pour lui la solution idéale.

Par contre, si on peut blâmer les médias d’avoir exploité cette histoire pour vendre des copies ou améliorer les cotes d’écoute, il faut aussi réaliser comment les médias jouent souvent le jeu des promoteurs pour mousser les événements sportifs. Il n’y a qu’à regarder les bouffonneries des pesées officielles pour réaliser qu’athlètes et promoteurs jouissent de belles publicités gratuites à la veille des combats. Et la boxe n’est pas le seul sport choyé de cette façon. Qu’on pense aux hockeyeurs en voie de devenir agents libres en négociations avec leur actuel employeur. Si les joueurs sont les premiers à dénoncer les journalistes en se récriant plus souvent qu’à leur tour du club des mal cités, ils sont les premiers heureux de voir les pages sportives comparer leurs statistiques à celles des mieux payés de la profession. À preuve, ce gros titre de La Presse: «Huit millions par saison pour P.K. Subban?» Et l’article continue en citant son trophée Norris, sa probable nomination au sein d’Équipe Canada pour les prochains Jeux de Sotchi et le fait qu’il est présentement le meilleur pointeur de l’équipe. N’est-ce pas là faire le travail de P.K. et son agent? «Damned if you do, damned if you don’t.» Peu importe ce qu’ils disent ou écrivent, les médias se retrouvent hélas, très souvent, maudits des uns et chéris des autres