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<strong>Les dinosaures</strong>

Les dinosaures

Publié le 18/03/2014

«Le consensus est que le hockey est plutôt en bonne forme et qu’il n’y a pas urgence d’y apporter des changements, si on en apporte.» Cette conclusion est celle de Brian Burke, le DG des Flames de Calgary, à l’issue de la dernière réunion des directeurs-gérants de la LNH. Coïncidence ou pas, dans la même semaine, le réseau RDS présentait La culture de la violence au hockey dans le cadre des Grands Reportages Sports 30. Cet intéressant documentaire était divisé en deux segments, la violence des mises en échec et les bagarres, avec comme question sous-jacente: «La violence au hockey, un mythe ou une réalité?»

Il n’y avait qu’à voir les images des charges pour constater avec horreur les dangers qu’elles constituent pour la vie des victimes. Selon le docteur Pierre Harvey: «Statistiquement, ce n’est qu’une question de temps avant qu’il y ait mort d’homme.» Pour d’autres, dont plusieurs anciens joueurs, eux-mêmes victimes de multiples commotions cérébrales, le hockey d’aujourd’hui n’est pas plus violent que celui des années 1970‑1980. Selon Vincent Damphousse, qui a déjà été vice-président de l’AJLNH, c’est juste qu’il y a plus de caméras et qu’on accorde plus de visibilité aux coups portés à la tête. En appui à cette thèse, le documentaire montrait quelques incidents de ces années, dont le coup de hache de Bobby Clarke sur Kharlamov et même un coup de bâton porté à la tête de l’adversaire par le gentleman par excellence du sport, Jean Béliveau. Afin de parer à cette montée ou perpétuation de la violence, René Fasel, président de la Fédération internationale de hockey sur glace, prône l’élimination de «la charge corporelle», commodément appelée ici «finir la mise en échec», même si ça signifie partir du centre de la patinoire pour le faire. On a aussi suggéré la modification des équipements, le retour de la ligne rouge et une certaine permissivité envers l’accrochage par les défenseurs. On a bien sûr ignoré une surface glacée aux dimensions internationales, économiquement beaucoup trop dispendieuse pour les propriétaires d’équipe.

Au sujet des bagarres, l’ami Bettman nage en plein déni. Cependant, plusieurs intervenants crédibles, dont les DG Yzerman, Shero et Rutherford, Scotty Bowman, Serge Savard, et René Fasel, les considèrent inutiles et «n’ont pas d’affaires là!» renchérit Vincent Damphousse. Quant au Docteur Harvey, il en relève le paradoxe: «Le hockey est le seul sport où les bagarres sont à la fois défendues et en même temps réglementées.» D’autres, comme Norman Flynn et Benoit Brunet, voient la nécessité de la présence d’hommes forts pour policer les coups vicieux distribués par l’adversaire. La théorie que «les amateurs en veulent» est aussi tenace. Tient-elle cependant la route? Selon les statistiques de la LNH, la moyenne d’une bagarre par match en 1990 est aujourd’hui passée à une à tous les trois matchs. Durant cette même période, la LNH prétend pourtant ne pas avoir constaté de diminution dans les assistances aux matchs. Pour ceux qui pensent qu’une bonne séance de lutte peut changer le rythme d’un match, j’ai retenu ce commentaire de Mathieu Darche, pourtant un gars de 4e trio: «Je ne me suis jamais senti motivé par une bagarre durant une partie.»

En conclusion, le reportage constate que les mentalités évoluent par rapport à la violence et les bagarres, mais lentement. Avec la présence de dinosaures aux postes de DG et de président de la LNH, il ne faut pas s’attendre à trop au cours des prochaines années. Quand on sait que les dinosaures auraient sévi sur terre durant 165 millions d’années, il faudra s’armer de patience, de beaucoup de patience avant de voir poindre du changement dans la LNH.