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Grandeurs et misères du repêchage

Grandeurs et misères du repêchage

Publié le 14/06/2011

La saison de la pêche est ouverte depuis la mi-mai. Celle au talent de nos hockeyeurs a officiellement été lancée le 4 juin par la Ligue de hockey junior majeur du Québec et, dans un moindre fracas, s’est poursuivie le week-end dernier par le repêchage de la Ligue junior AAA du Québec. Tout ça n’est cependant qu’un pâle prélude au show que sera le grand encan de la Ligue nationale de hockey, à St. Paul, les 24 et 25 juin prochains.

C’est vrai que de nos jours, avec la multiplication des réseaux d’information spécialisés, tout est prétexte à spectacle. Funérailles, procès, accidents de la route, interventions policières, prises d’otage et quoi d’autre, tout en direct. Les réseaux sportifs n’y font évidemment pas exception avec par exemple, l’émission spéciale à la date limite des échanges. On peut (si on veut) y assister au bavardage incessant de quatre ou cinq anciens coachs ou joueurs qui supputent les transactions potentielles et évaluent celles qui se concrétisent à la seconde près. Et, bien sûr, on consacrera plusieurs heures d’antenne à cette séance de sélection annuelle de la LNH, où se succéderont mines réjouies ou déconfites de jeunes hommes de 18 ans au gré des choix des directeurs-gérants.

Je trouve personnellement surprenant que dans un monde où on a banni les rangs des résultats scolaires pour ne pas ruiner à tout jamais la confiance en soi de nos petits enfants-rois, on étale au vu et au su de tous l’ordre dans lequel on évalue le talent sportif de ces jeunes hockeyeurs ou autres athlètes. «Choisi en 12e ronde, ah bon…» et toi, «Pas sélectionné? Mais c’est terrible, non?» Bon pour l’ego, vous dites? Outre ces froissements à l’amour propre de ceux qui sont repêchés tard ou malheureusement ignorés, il ne faut pas oublier la pression énorme qui tombe sur les épaules des élus de premières rondes. Cette pression en a détruit plusieurs dont les mémorables Doug Wickenheiser et Alexandre Daigle. À l’autre bout du spectre, l’oublié le plus connu est sans doute Lucky Luke Robitaille et dans la série finale actuelle, le Bruin Rich Peverley. Ignoré au repêchage et plus tard soumis au ballotage, il a compté deux buts dans la récente victoire de 4-0 des Bruins sur les Canucks, et pourrait fort bien orner son annulaire d’une belle bague de la Coupe Stanley. Il faut croire que, comme la psychiatrie, le repêchage n’est pas une science exacte…

Et si on parle de pression, que dire de celle placée sur les dirigeants qui font d’un joueur leur premier choix. Encore une fois, souvenez-vous des critiques essuyées par le CH lorsque le même Wickenheiser n’est jamais parvenu à justifier les attentes placées en lui, surtout qu’on l’avait préféré à Denis Savard, «un p’tit gars de chez nous», pour utiliser l’expression d’un sénateur ancien coach du CH. Sans oublier quelques récents grands succès comme Ryan McDonagh devant Angelo Esposito ou encore Mike Fischer au lieu de Claude Giroux… «Ça serait surprenant qu’un choix de première ronde ne fasse pas l’équipe», m’a récemment confirmé une source proche d’une équipe, sous-entendant ainsi que la direction, à partir des recruteurs jusqu’au directeur général, ferait tout pour éviter d’admettre l’erreur advenant l’insuccès d’un premier choix.

Je sais fort bien que mon opinion n’y changera rien et que celle du monde-spectacle dans lequel nous vivons triomphera, mais il me semble qu’une séance de repêchage plus discrète serait à l’avantage de tous, des joueurs aux dirigeants en passant par certains parents qui ont, somme toute, peu de mérite pour ce qui arrive ou n’arrive pas à leur fils.