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Oui, ça se reproduira

Cette carte illustre le réseau hydrographique couvert par le COBAMIL.

Oui, ça se reproduira

Publié le 21/05/2017

L’eau commence à peine se retirer qu’il faudra peut-être s’y résoudre : les éléments se gonfleront de nouveau et, tant le Lac des Deux Montagnes que la rivière des Mille Îles ou la rivière aux Chiens, à Sainte-Thérèse, causeront potentiellement des dommages plus fréquents à l’avenir. Bien avant les 50 prochaines années, en tout cas.

C’est l’observation que fait la directrice générale du Comité des bassins versants des Mille-Îles (COBAMIL), Elsa Dufresne-Arbique, à la lumière des récents événements que l’on sait. Est-ce qu’on se réveillera encore les pieds dans l’eau au printemps 2018? «La réponse c’est : peut-être. Parce qu’on ne sait pas encore ce qui nous tombera sur la tête» , nuance-t-elle, tout en reconnaissant le caractère exceptionnel des conditions climatiques qui ont mené à ces débordements spectaculaires.

À la source

En amont du problème, il faut identifier la rivière des Outaouais qui, depuis sa source, à l’est du réservoir Dozois, poursuit sa course jusqu’au fleuve Saint-Laurent, alimentant au passage le Lac des Deux Montagnes et la rivière des Mille Îles. Sur son tracé, on recèle 43 centrales hydro-électriques et une trentaine de réservoirs de stockage dont la gestion permet, entre autres, de conjurer les inondations en retenant l’eau le temps qu’il faut, tout comme elle assure que l’élément sera dirigé là où il faudra en période de sécheresse. On appelle ça la «régularisation du débit» .

Ces 30 réservoirs peuvent recevoir plus de 14 milliards de mètres cubes d’eau, ce qui devrait largement suffire à la tâche… dans un monde idéal. Mais voilà, les pluies diluviennes qu’on a connues sur une très courte période de temps, jumelées à la fonte rapide des neiges et au dégel tardif du sol ont eu tôt fait de faire déborder la marmite. Quand on sait que le seul exutoire du bassin versant de la rivière des Outaouais (un territoire qui fait, au bas mot, 125 000 km carrés) est le petit et très peu profond Lac des Deux Montagnes (une rivière qui a renflé, en fait), on comprend mieux ce qui s’est passé.

«C’est comme si on essayait de transvider le contenu d’une chaudière dans une tasse» , image Mme Dufresne-Arbique. Celle-ci souligne au passage que la situation aurait pu être bien pire, pour les résidants de Pointe-Calumet, Oka, Deux-Montagnes et Sainte-Marte-sur-le-Lac, sans les digues de bétons qui furent construites, avec l’argent du fédéral, après les inondations de 1974.

Les réservoirs sont pleins

Si l’on a vu la rivière aux Chiens sortir de son lit, à Sainte-Thérèse, quelques semaines avant le Lac des Deux Montagnes, c’est tout simplement que le phénomène «pluie-fonte rapide des neiges» que l’on a connu en avril, a été repoussé en mai, plus au nord. Il a aussi fallu plusieurs jours pour que l’eau suive son cours jusqu’à son fameux exutoire (même après que la pluie eût cessé), alors que, dans le cas de la rivière aux Chiens, dont le bassin versant occupe un territoire beaucoup plus petit, quelques heures avaient suffi.

Et même si le beau temps est revenu, on relève que tous les réservoirs de la rivière des Outaouais sont encore pleins (en date de mercredi dernier). «Il ne faudrait pas, demain matin, qu’il tombe 40 mm de pluie. Ça ne serait pas beau» , souffle Elsa Dufresne-Arbique. La situation serait moins inquiétante en plein été puisque les sols seraient en mesure d’absorber le tout, ajoute-t-elle.

Changements climatiques

Les pluies printanières revêtiront donc, à l’avenir, un caractère redoutable, puisque les experts sur la question des changements climatiques s’entendent pour dire que les périodes de précipitations intenses sur une courte période pourraient devenir la norme.

«On ne peut rien faire contre autant de pluie» , convient Mme Dufresne-Arbique, qui relève tout de même quelques failles au chapitre de la prévention. «Comme on avait vu venir le problème, on aurait dû distribuer plus rapidement les sacs de sable» , pense-t-elle. «On continue aussi à bâtir en zones inondables. On ne contrôle pas les éléments. Une rivière n’est pas domptable» , fait-elle encore remarquer en suggérant qu’une prise de conscience collective sera nécessaire.

Il faudra aussi, suggère-t-elle, que la gestion du problème se fasse à l’échelle des bassins versants et non plus à l’intérieur des limites des municipalités. Une fois qu’on aura fini de s’occuper des sinistrés et de ramasser les dégâts, c’est à cette forme de réflexion menant vers une action concertée qu’il faudra s’attarder, pense-t-elle.