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<strong>Une partie de l’histoire d’Oka sous l’eau?</strong>

L’historien Gilles Piédalue et le président de la Société d’histoire d’Oka, Robert Turenne.

Une partie de l’histoire d’Oka sous l’eau?

Publié le 18/05/2012

En marge de son assemblée générale annuelle, à la mi-avril, la Société d’histoire d’Oka a tenu une conférence annonçant de possibles découvertes majeures dans l’histoire de cette municipalité bordée par le lac des Deux-Montagnes.

«Une partie de l’histoire d’Oka sous l’eau?», c’est le titre de cette conférence donnée par l’historien Gilles Piédalue et le président de la Société, Robert Turenne. À l’aide d’une équipe formée d’un historien et d’un archéologue, la Société d’histoire d’Oka s’est donnée comme mandat de repérer les premières habitations du village et de chercher les secrets qu’elles recèlent. Selon les données historiques présentées par Gilles Piédalue, une partie du village d’Oka des années 1700 aurait été inondée par la crue des eaux et se trouverait à quelques dizaines de mètres de la berge.

C’est par le plus pur des hasards que ces recherches ont été lancées, à la suite de travaux de restauration de l’aqueduc sur la rue de l’Annonciation. Québec a alors demandé de s’assurer que la Municipalité ne touche pas aux vestiges du fort des missionnaires, érigé lui aussi dans les années 1700.

Après s’être assuré que le projet de réfection d’Oka ne détruise rien, l’historien Gilles Piédalue a donc effectué une reconstitution approximative du fort, estimant alors que «toute la partie orientale du village historique (se trouve) sous les eaux de la baie: section de la palissade nord, porte est de la palissade nord, bastion nord-est, palissade est, les fondations de 16 des 19 maisons de cette partie du village».

«Étonnamment, nous n’avons pas de documents attestant la montée des eaux dans ce secteur-là, a-t-il expliqué. En tant qu’historien, j’ai besoin de preuves documentaires.» Une des raisons de l’absence de preuves documentaires est que la montée des eaux s’est faite entre 1700 et 1800. «À cause de nombreux incendies, il ne subsiste que de très rares documents portant sur la mission et datant du 18e siècle et du début du 19e siècle», dit M. Piédalue. Une montée très progressive des eaux, le petit nombre d’habitations et la faible valeur marchande de ces maisons de bois peuvent, entre autres, expliquer cela.

Une erreur de cartographie est aussi possible, et même plausible, explique M. Piedalue, mais il a démontré que des cartes datant de 1743 et 1752 donnent les mêmes mesures. Si la montée de l’eau n’est pas documentée en tant que telle, «certaines des plus anciennes habitations du quartier oriental sont faites de matériaux recyclés, récupérés possiblement des maisons menacées par la montée de l’eau», dit-il, soulignant aussi «l’augmentation progressive du débit et du niveau du fleuve Saint-Laurent durant le 18e siècle mesuré au lac Saint-Pierre».

Selon l’analyse de cartes actuelles et de cartes de l’époque, «la bande riveraine semble s’être amincie entre 1743 et 1752 et le rivage de la baie d’Oka montre un net recul entre 1722 et 1798. Oka (est) un territoire dont l’environnement est particulièrement fragile L’érosion s’est ensuite poursuivie, aggravée par le déboisement du bassin versant de l’Outaouais, le développement de l’industrie forestière et la mise en culture des terres. Conséquences: recul de la pointe aux Bleuets, dunes et tempêtes de sable, inondations, travaux de remblayage importants.»

Place au projet Oka 1752

Maintenant que la présence de vestiges d’une vingtaine d’habitations d’Oka datant du 18e siècle, à quelques mètres de la berge à Oka, a été avancée par des hypothèses basées sur des preuves circonstancielles et l’existence de certains documents, la Société d’histoire d’Oka a besoin de preuves matérielles, comme des fondations, empreintes de palissades des portes ou de bastions, pour confirmer ses dires.

C’est ainsi qu’est né le projet Oka 1752. La Société a commencé par effectuer des sondages préliminaires d’un site au sonar au printemps 2011, explique le président de l’organisme, Robert Turenne. Les parties très rapprochées du bord de la berge ayant probablement fait l’objet de beaucoup de remblayage et de terrassements au cours des années, il a fallu effectuer des recherches un peu plus au large, à l’est de l’église d’Oka.

On a ensuite tenu une rencontre avec les représentants du ministère des Affaires culturelles du Québec afin de discuter des résultats du sondage au sonar et demander une mission archéologique de reconnaissance. Le Ministère s’est montré intéressé, mais il n’a pu soutenir le projet, faute de moyens financiers, d’expliquer M. Turenne.

En septembre 2011, un plongeur en apnée a effectué des recherches qui ne se sont pas avérées concluantes, l’eau étant très brouillée dans ce secteur. Il y avait «un besoin évident d’un sondage avec des instruments plus précis, comme le géoradar», d’ajouter M. Turenne. Un sondage exploratoire du site par l’équipe d’archéologie sous-marine du département d’anthropologie de l’Université de Montréal a ensuite été effectué en octobre 2011. «L’absence de repères précis donne des résultats mitigés», précise M. Turenne. Il faut dire que les plongeurs ont à explorer un site d’une vaste étendue. On se donne pour objectif de réduire la zone de recherche.

Non contente de ce résultat, la Société d’histoire a mené d’autres expériences, cette fois-ci en hiver, sur la glace, au moyen d’un sondage au géoradar, en vue de déterminer des cibles d’exploration. Nous sommes alors en janvier 2012.

La prochaine étape, qui doit débuter au cours des prochains mois ou même des prochaines semaines, sera de faire effectuer des fouilles par des plongeurs sur des sections du site qui ont chacune quelque 900 pieds carrés. Les plongeurs iront sonder le fond de l’eau pour trouver, dans un premier temps, un fond rocheux, puis pour vérifier la présence de roches alignées, laissant envisager la preuve tant recherchée de la présence de bâtiments ou de fortifications. «Le projet va s’échelonner sur plusieurs années», conclut Robert Turenne.