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<strong>Nostalgie</strong>

Nostalgie

Publié le 11/11/2014

Est-ce que 1968 et 1982 vous semblent si loin derrière? Si oui, vous faites partie des deux (ou trois?) générations qui suivent la mienne. Si non, vous êtes bel et bien de mes contemporains, ceux qu’on traite maintenant d’infâmes baby-boomers. Pourquoi 1968 et 1982? Parce que ce sont ces années qui ont marqué le début et la fin de la carrière dans l’uniforme bleu-blanc-rouge de Guy Lapointe. 46 et 32 ans déjà! Il est le deuxième numéro 5, après Bernard Geoffrion, dont on a élevé le chandail dans les combles du Centre Bell, samedi dernier. Même s’il n’a jamais joué dans cet amphithéâtre qui porte à tort le nom d’un commanditaire plutôt qu’à juste titre celui d’un de ceux dont les dossards surplombent la patinoire, c’est avec grande émotion que Pointu a accepté cet honneur; il le place d’ailleurs devant son élection au Temple de la renommée du hockey et du Panthéon des sports du Québec.

C’était bien de voir enfin son talent reconnu 32 ans après son dernier match avec les Canadiens, mais c’était un brin nostalgique de le retrouver en compagnie de ses deux compères du Big Three, Serge Savard et Larry Robinson. Cette réunion des trois géants de la ligne bleue des années 1970-1980 a fait remonter une vague de bons souvenirs de ce temps où le hockey n’était pas que business. À revoir les clips précédant la cérémonie, on avait presque oublié que le hockey s’était déjà joué sans casque protecteur et à les regarder plonger devant le tir ennemi, je me suis demandé quelle folie ou inconscience pouvait bien les habiter. Les plus jeunes diront que les lancers à cette époque n’avaient pas la puissance de ceux d’aujourd’hui. Je n’hésiterais pourtant pas à comparer les lancers des Hull, Orr, Park, Robinson, Potvin et Guy Lapointe lui-même à ceux des actuelles terreurs des gardiens. On nous a aussi montré quelques fracassantes mises en échec distribuées par Lapointe, mais aussi par ses compagnons Savard et Robinson. Elles étaient rudes et robustes, mais tout à fait légales. Toujours sans casques ni visières, tous les Lapointe et compagnie de cette époque ont eu à affronter les bouchers de Philadelphie et les brutes de Boston. S’ils n’ont jamais été reconnus pour leurs talents de boxeurs, il n’en reste pas moins que les Lapointe, Savard et Robinson n’ont jamais reculé devant quelque «goon» que ce soit. Ces derniers évitaient d’ailleurs le plus possible de les confronter. J’ai encore en mémoire une sévère correction qu’avait servie le grand Serge au matamore Schultz durant la série finale de 1976. À ce sujet, Savard a toujours dit que la coupe Stanley remportée par le Canadien cette année-là face aux Flyers de Shero était la meilleure chose qui soit arrivée au hockey professionnel. Guy Lapointe faisait partie de cette équipe, dont il avait été le 5e meilleur pointeur en saison régulière.

Tous les observateurs sont du même avis. Un Big Three comparable à celui vu au Centre Bell, samedi, ne sera jamais plus réuni. Le repêchage universel, les masses et plafonds salariaux et les exigences des joueurs guidés par leurs agents ont à ce point changé la donne qu’une équipe ne pourrait tout simplement pas s’offrir un trio de vedettes comparables à ces trois amigos. Avez-vous pensé, si on a pu offrir un pacte de 72 millions sur huit ans à P.K. Subban, ce qu’il faudrait dépenser pour réunir ces trois joueurs dans la même équipe? Pour rencontrer le plafond salarial, tous les autres joueurs en seraient sans doute réduits à faire du bénévolat, un concept impensable. À bien y réfléchir, le Big Three est très bien là où il est, dans ces hauteurs du Centre Bell; c’est surtout beaucoup plus économique pour les dirigeants de la Sainte‑Flanelle.