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<strong>Le 15 mai… huit mois plus tard</strong>

«Ce gouvernement nous a projetés dans la judiciarisation de ce conflit sans aide ni ressource

Le 15 mai… huit mois plus tard

Publié le 25/01/2013

Le 15 mai 2012, en plein cœur du conflit étudiant, l’escouade antiémeute de la Sûreté du Québec forçait les jeunes grévistes à libérer les portes d’entrée du collège Lionel-Groulx.

Sur le terrain, impuissants, des centaines de personnes, étudiants, enseignants, employés, parents, médias et curieux, ont assisté à l’intervention. Si certains d’entre eux ont bruyamment réagi, la plupart ont tout bonnement observé la scène en silence, stoïques, sous le choc.

Huit mois plus tard, la directrice générale du collège Lionel-Groulx, Monique Laurin, a choisi d’en parler, d’abord devant la communauté collégiale, étudiants, personnel enseignant, employés cadres et syndicat confondus, ensuite devant les médias. «Cette allocution est l’aboutissement d’une longue réflexion. J’en suis venue à la conclusion qu’il me fallait m’ouvrir à l’ensemble du personnel et des étudiants», a-t-elle débuté.

Il faut savoir que la décision prise par Mme Laurin de porter plainte, ce jour-là, pour non-respect de l’injonction alors en vigueur, suivie de l’intervention musclée de la SQ, lui a valu de vives critiques, à bien des égards. «Ce jour-là, on m’a crié des insanités. Il a fallu que je me coupe de moi-même pour être capable de faire face à ça», souffle-t-elle.

Aurait-il pu en être autrement? «On m’a demandé d’appliquer l’injonction. Pour agir et libérer les portes, il fallait que je porte plainte», justifie-t-elle, précisant avoir fait plusieurs tentatives auprès des étudiants réfractaires, notamment afin d’éviter ce dénouement, mais en vain.

Dans les semaines qui ont suivi, 11 enseignants ont dénoncé le geste de Mme Laurin dans une lettre publiée dans Le Devoir, ce qui leur a valu des sanctions administratives pour «manque de loyauté» envers le Collège. Puis, loi oblige, le 15 août dernier, les quelque 5 000 étudiants du Collège se sont retrouvés sur les bancs d’école, pêle-mêle, certains plus amers que d’autres d’avoir si durement été délestés de leur cause.

Prendre la parole à son tour

Puis, en novembre dernier, il y a eu cette rencontre entre les directions de cégeps du Québec et l’équipe sous-ministérielle du gouvernement, au cours de laquelle, pour la première fois depuis les évènements, outre la directive de respecter les injonctions suivie peu après de la loi 12, une communication sur le sujet émanait enfin du gouvernement.

Reçue et interprétée comme une «révélation», cette rencontre aura été, pour Mme Laurin, l’occasion de comprendre que le temps était venu de parler à son tour. «Cette rencontre m’a dédouanée. Depuis le 15 mai, j’étais muselée, tétanisée. J’attendais que le gouvernement parle. Là, j’ai compris que c’était à mon tour de redonner la parole aux autres», a-t-elle expliqué, la voix chargée d’émotion.

C’est ce qu’elle a fait, le 9 janvier dernier, en prenant la parole devant la communauté du Collège. «Il fallait crever cet abcès», fait-elle valoir. Dans la foulée, Mme Laurin a aussi annoncé le retrait des sanctions administratives imposées aux 11 enseignants.

Une semaine plus tard, le 15 janvier, soit huit mois jour pour jour après l’intervention de la SQ, c’était au tour des médias d’entendre le plaidoyer de Mme Laurin qui, bien que reconnaissant que l’heure soit désormais à la reconstruction plutôt qu’à la dénonciation, ne décolère pas. «Je persiste et je signe: ce gouvernement nous a largués. Il nous a projetés dans la judiciarisation de ce conflit sans aide ni ressource, sans une seule ligne de communication», dénonce-t-elle.

Pour se souvenir et amorcer collectivement la reconstruction de ce qui a été brisé, une œuvre d’art a été commandée au Département des arts plastiques. «Ce geste est symbolique. Il vient dire que jamais plus nous n’enfreindrons nos valeurs identitaires et que jamais plus nous ne laisserons la violence et l’intolérance envers les autres pénétrer par nos portes», a martelé Mme Laurin.

Mme Laurin prendra officiellement sa retraite le 27 février prochain. Son successeur n’a pas encore été désigné.