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<strong>La mort à petit feu</strong>

La mort à petit feu

Publié le 04/09/2013

«Des parents de Saint-Eustache, Mirabel, Rosemère et l’Assomption seraient furieux que leurs enfants soient pris en otage par Hockey Québec, parce qu’ils refusent de quitter une école qu’ils aiment, pour s’engager dans une équipe de hockey élite.» Ce paragraphe d’un article de La Presse a attisé ma curiosité. Furieux, otage, école, hockey élite, et surtout Hockey Québec dans une même phrase, avouez qu’il y a là de quoi sourciller. Ce que j’ai découvert en essayant de comprendre cette fureur des parents pourrait relever de la meilleure fiction si elle ne reflétait hélas pas ce qui se passe à l’aréna au coin de chez vous.

C’est le journaliste Martin Leclerc qui a mis le feu aux poudres en rédigeant trois articles sur son blogue de Radio-Canada: «Le hockey scolaire, c’est pour les nuls», «Décidément, le hockey et les études ne font pas bon ménage au Québec» et «Hockey Québec doit abolir ce honteux règlement.» Mais de quoi parle-t-il donc? Grosso modo, Hockey Québec se substituerait aux parents et au choix de certains jeunes étudiants en déterminant quelles écoles doivent fréquenter les jeunes hockeyeurs ciblés élite aux fins du programme Sport-étude. Selon Leclerc, à compter de cette année, Hockey Québec impose les programmes scolaires de son choix dans les catégories pee-wee et bantam AA et AAA. Ça ne s’invente pas! Si un de ces jeunes ciblés refuse de porter les couleurs de l’équipe élite, il est puni et relégué en catégorie récréative, mais dans une catégorie d’âge supérieure. Par exemple, un bantam de 13 ans qui refuse de quitter son école et de jouer AAA se retrouverait donc en simple lettre chez les midgets avec des gars de 16 et 17 ans. En lisant ça, je me suis dit que je faisais un cauchemar, mais il semble bien que ce soit la triste vérité telle qu’imaginée et appliquée par Hockey Québec.

Tout comme Martin Leclerc, je n’ai pas Hockey Québec en odeur de sainteté et ça remonte à ses premiers balbutiements, lors de la formation de la Fédération de hockey sur glace du Québec, au début des années 1980. Certains des bonzes de cette organisation se croient certes issus de la cuisse de Jupiter, mais comment peuvent-ils en être venus à penser pouvoir «enrégimenter» des hockeyeurs aussi jeunes que 11 ans et dicter à leurs parents non seulement quelle école ils doivent fréquenter, mais également leur programme scolaire?

Les parents de hockeyeurs des années 1960 et 1970 s’étaient révoltés contre la fameuse «formule C» que faisaient signer les éclaireurs du CH pour s’assurer que tout jeune Québécois pour le moins prometteur, «appartienne» à l’organisation du Canadien. À lire le sort réservé au jeune Adam Desgagnés de Repentigny, j’ai eu l’impression de retourner 50 ans en arrière. Son histoire est longue, mais en gros, comme il refusait de jouer pour les Pionniers de Lanaudière, mais plutôt pour son collège, on lui a fait comprendre qu’il «appartenait» aux Pionniers, et un représentant de Hockey Québec a même dit à son père: «Soyez assuré que votre fils ne jouera pas pour le collège L’Assomption.» «Appartenait», de quoi faire retourner Martin Luther King dans sa tombe. Et alors qu’on décrie l’intimidation sur tous les toits, comment qualifier cette menace non voilée qui commence par «soyez assurés»?

Je ne sais pas comment tout ça va se terminer, mais il me semble que cette attitude dictatoriale de Hockey Québec mène ce sport tout droit à une mort à petit feu. Le hockey n’est après tout qu’un jeu et ce n’est pas dans les arcanes de Hockey Québec ou en cour qu’il devrait se pratiquer. Et on se plaint que le hockey perd en popularité!