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«Comment te sens‑tu?»

«Comment te sens‑tu?»

Publié le 18/02/2014

Évidemment que je suis scotché devant la télé à suivre les Jeux de Sotchi, pas aux petites heures du matin comme certains collègues, âge et besoin de sommeil obligent. Évidemment que je tiens mon sujet de billet pour au moins la prochaine semaine. Comment, en effet, ne pas commenter le plus important événement sportif sur la planète? Laissez faire les quelque 50 milliards qu’ils auront coûtés et le bombage de poitrine qu’en retirera Vladimir; ça, c’est de la politique! Oubliez que ces Jeux, les récents et les suivants n’ont et n’auront rien en commun avec la simplicité des Jeux d’antan. Les puissants réseaux de télévision, leurs commanditaires et leurs cotes d’écoute se sont emparés d’une compétition sportive pour en faire un gigantesque show planétaire. Mais de grâce, remerciez le ciel qu’une fois aux quatre ans, nous soyons témoins des exploits des meilleurs athlètes au monde; ce n’est pas rien!

Nos Canadiens ont pris d’assaut les premiers jours de la semaine 1 en accumulant les victoires et en prenant la tête du tableau des médailles. Malheureusement, les déceptions des jours suivants se sont mises à atténuer la grande fierté qui s’était emparée de la nation. Des chutes et des erreurs survenues dans des compétitions, où on avait déjà tenu les médailles pour acquises, ont semé le doute sur les talents et les capacités de nos athlètes à performer sous pression. La preuve? Écoutez les entrevues de nos médias, les commentaires des experts, les vrais, et ceux qui malheureusement sévissent sur les ondes de lignes ouvertes et des fameux réseaux sociaux.

Les journalistes sur place ont, certes, un travail à faire. Mais est‑ce bien nécessaire de faire une entrevue à chaud avec un athlète qui vient juste de voir son rêve olympique s’effondrer par une malencontreuse chute, une fausse manœuvre ou une inopportune méforme? L’entrevue avec François Hamelin, après la chute qui le privait, lui et son équipe, d’une potentielle médaille, en est un bel exemple. «Comment te sens‑tu?» lui demande la journaliste, une ex‑olympienne qui devait pourtant bien en avoir une petite idée. Que pouvait‑il répondre, sauf se pourfendre en excuses envers ses coéquipiers et le pays en entier? Et dans les minutes qui suivent, on entend un psy expliquer ce que le pauvre François devra faire pour surmonter cette horrible culpabilité qui l’habite. N’aurait‑il pas mieux valu le laisser en paix avec ses coéquipiers qui auraient sans doute eu vite fait de le rassurer, bien mieux en tout cas que tous les critiques de salon que nous sommes. Vendredi dernier, Patrick Chan remporte l’argent en patinage artistique. À entendre l’entrevue avec la chef d’antenne de la SRC, on aurait cru que ce dernier avait tout raté: «Qu’est‑ce qui fait que vous n’avez pas patiné comme vous en êtes capable?» Le pauvre Chan complètement interloqué, et je répète médaillé d’argent, ne savait évidemment pas trop quoi répondre. La pression des Jeux peut‑être, madame? La même sans doute qui vous fait poser des questions aussi stupides. La même chef d’antenne à Jan Hudec, qui se présentait dimanche en studio avec une médaille de bronze au Super‑G: «Vous devez être surpris?» «Peut-être vous, madame, pas moi!» lui a répondu Hudec. Tiens‑toi!

Heureusement, il y a aussi le sport et ses athlètes. Que dire de ce match de hockey Russie contre États‑Unis; sublime dans son exécution et un arbitre qui impose une punition en terrain russe à l’équipe russe dans un match de 2‑2 avec 1:32 minute à faire en période finale, du jamais vu dans la LNH. Ça c’est du sport, du vrai!