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Photo Claude Desjardins – Ce mésengeai du Canada, sculpté et peint par Serge Bouchard, a remporté le premier prix de la catégorie Maîtres, au Concours québécois de sculpture d’oiseaux.

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Photo Claude Desjardins – Serge Bouchard, entouré de quelques-unes de ses œuvres: un faucon pèlerin, un passerin indigo, un geai bleu (également couronné d’un prix à Montréal) et une petite nyctale.

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Photo Claude Desjardins – Pour arriver à maîtriser le bois, il faut des instruments de précision maniés avec finesse.

Serge Bouchard: le maître des maîtres

Publié le 13/03/2018

Sur la table de cuisine, un mésengeai du Canada, une paruline à gorge orangée, un oriole de Baltimore, un troglodyte de Caroline, un faucon pèlerin et autres merveilles de la faune ailée prennent la pose dans une improbable cohabitation. Bien que ce soit presque à s’y méprendre, aucune vie ne les anime. Ces volatiles, en fait, sont apparus sous les doigts habiles de Serge Bouchard, grand gagnant du Concours québécois de sculpture d’oiseaux.

De fait, ce résidant d’Oka y a remporté le premier prix de la catégorie Maîtres (la plus relevée), avec son mésengeai du Canada, ce qui fait de lui (et la chose est dite avec un clin d’œil amusé), le «maître des Maîtres» de la 40e édition de cet événement tenu à la fin du mois de février, dans le cadre du Salon plein air, chasse, pêche et camping de Montréal.

Un travail d’orfèvre

Sculptés dans le bois (le tilleul ou encore le tupelo de Louisiane) et peints à l’acrylique, les spécimens qu’on y exhibe sont assujettis à l’œil exercé d’un jury dont les membres partagent des expertises aussi diversifiées que la sculpture et l’ornithologie. Chaque pièce soumise doit respecter des critères bien précis. Par exemple, chaque oiseau doit être reproduit selon sa taille réelle, chaque détail de la pièce doit être sculpté, y compris les éléments de l’habitat qui sont obligatoires. «J’ai trouvé une technique pour faire les aiguilles de sapin avec du bambou» , pointe Serge Bouchard, tout comme il a dû sculpter le détail des pattes et des plumes, le tout rendu dans un réalisme impressionnant. La posture de l’oiseau, le fait qu’il semble avoir été capté dans un moment précis, l’énergie qu’il dégage, peuvent faire la différence entre un premier et un deuxième prix. «Dans le cas du mésengeai, les juges ont été impressionnés par la légèreté et la douceur qui émanait de l’oiseau» , indique-t-il.

C’est que les sculpteurs d’oiseaux sont de véritables artistes, des orfèvres qui travaillent avec des instruments de précision, des fraises à pointes minuscules, de fins outils de pyrogravure, bref, on est loin de l’image convenue qu’on peut se faire de l’artisan maniant énergiquement ses ciseaux à bois. Une pièce comme celle qui a remporté le premier prix représente quelque 200 heures en atelier, peut-être même un peu plus. Une passion.

Observation et recherche

Il faut aussi connaître les oiseaux, enchaîne Serge Bouchard qui, en plus d’observer ceux qui viennent se ravitailler aux mangeoires qu’il a installées dans sa cour, fait énormément de recherche. «Je vais souvent au Musée national de la nature, à Gatineau. Il y a une collection de tous les oiseaux du Canada. Je prends rendez-vous et l’on me laisse examiner tous les spécimens que je veux. Je prends des photos, je mesure les ongles, le bec, je mesure tout» , énumère-t-il. Ces oiseaux ayant souvent perdu leurs couleurs d’origine pour avoir été naturalisés depuis des années, il faut compléter la recherche en fouinant sur le Web ou directement dans la nature.

«J’ai pu observer un couple de mésengeais lors d’un séjour au Lac Saint-Jean» , raconte Serge Bouchard, qui évoque la chose comme une apparition inespérée, au gré d’une promenade. «À ce moment-là, j’essaie de m’imprégner de l’énergie de l’oiseau, de sa beauté, d’être en symbiose avec lui. Toutes les émotions qui viennent, la personnalité de l’oiseau, j’essaie de les transposer dans ma sculpture. Ça crée toujours un impact» , pense l’artiste, qui compte bien présenter son mésengeai au Concours de sculptures d’oiseaux Canadian National, qui se tiendra à Kitchener, du 16 au 18 mars.

Et pourquoi pas le monde?

Ce n’est pas un passage obligé, mais le fait de participer à tous ces concours permet de rencontrer d’autres sculpteurs, d’observer leur travail et d’apprendre potentiellement de nouvelles techniques. Sans compter que ces concours sont à peu près les seules vitrines offertes aux sculpteurs d’oiseaux, indique Serge Bouchard, qui discute actuellement avec les autorités du parc d’Oka pour trouver une manière d’y exposer son art.

Un concours mondial se tient aussi aux États-Unis, chaque année au mois d’avril, le Ward World Championship Wildfowl Carving Competition and Art Festival, à Ocean City, au Maryland, là où Serge Bouchard a confirmé sa véritable vocation, en 2011. Là où il commence, aussi, à être considéré comme un bon sculpteur. A-t-il des désirs de conquête au pays de l’Oncle Sam? «Oui» , répond-il sans la moindre hésitation, avant d’enchaîner: «La passion n’a pas d’âge. J’ai commencé à 48 ans et, vingt ans plus tard, je suis l’un des meilleurs sculpteurs au Québec. Il n’est jamais trop tard pour commencer une activité, quand on s’y investit.»