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Les ténèbres du château noir: Un conte de Noël d’Yves Bertrand

Le comte Dracontour vénérait la noirceur… Ce qu’il y vit l’époustoufla. Que faisait-il dans ce costume rouge?

Les ténèbres du château noir: Un conte de Noël d’Yves Bertrand

Publié le 13/12/2013

(NDLR) — À la retraite, Yves Bertrand demeure à Saint-Eustache depuis 20 ans, plus précisément, dans le Vieux-Saint-Eustache. Un de ses textes, L’Élystrée, a été adapté pour une pièce de théâtre qui a été présentée au Centre d’art La petite église, deux fois en 2005 et trois fois en 2006, par la troupe amateur Les amuseurs de mots pensés.. Aussi, il a collaboré avec des jeunes en difficulté à la rédaction d’un livre intitulé Les esprits bâtards comportant leurs textes et les siens. Il écrit depuis l’âge de 12 ou 13 ans, surtout des poèmes. Nous le remercions pour son texte!

Commençons comme il se doit: il était une fois.

Donc, il était une fois dans une verdoyante vallée traversée par une champêtre rivière, un village qu’habitaient environ 200 personnes. Dans ce village, la vie suivait son cours comme la rivière. Chacun s’occupait à sa tâche pour la prospérité de tous. On appréciait le soleil, la verdure, les oiseaux, etc.

C’était comme cela avant. Avant que ne survienne un mystérieux personnage. Celui-ci, pour sûr, était riche, puisqu’il avait acheté le château, là-haut sur la montagne. Pour toutes ces bonnes gens, finie la sérénité. Car le comte Dracontour vénérait la noirceur. Il fit donc repeindre en noir tout le château. Mais la lumière du jour aussi l’irritait, alors, il invoqua les ténèbres et le village se retrouva dans le noir et les gens prisonniers dans leur village.

Cela demeura inchangé pendant de looooooonnnngues années, voire même des siècles, comment savoir avec toute cette noirceur. Mais il arriva, on ne sait trop quand, qu’une villageoise fasse une découverte en fouillant son grenier. Elle y trouva un journal inachevé écrit par son grand-père. Il y était écrit qu’il y avait, à trois heures de marche, un autre village où vivait une magicienne nommée Marie Nad. Elle comprit alors les dernières paroles de son grand-père: «Trouve le journal et tu trouveras la lumière.» Il n’avait pu à ce moment-là en dire davantage.

En le lisant, elle apprit qu’il existait un tunnel, construit jadis pour se protéger des pillards, qui lui permettrait de sortir du village, de passer outre le maléfice. Alors, le sang de Laure Eyer ne fit qu’un tour. Le soir même, elle s’équipa pour sa randonnée.

Mais son périple ne fut pas sans embûches, certaines parties s’étant partiellement effondrées, elle dut refaire un passage. Mais Laure Eyer ne capitula pas et arriva au village promis. Sa quête de la maison de la magicienne fut aisée, puisque celle-ci avait la forme d’un chaudron.

Elle s’approcha et frappa. Pas de réponse. Elle appela: «Mme Marie Nad?» Rien. Elle frappa de nouveau. Cette fois, elle entendit des bruits à l’intérieur. Des pas qui se rapprochent et la porte qui s’ouvre.

«Excusez-moi, je cueillais des plantes pour mes tisanes et mes potions. Que puis-je pour vous?», demanda Marie Nad.

«J’ai besoin de votre aide», répondit Laure Eyer.

«Entrez, entrez, vous prendrez bien une bonne tisane.»

«Oui, merci.»

«Patience, dans cinq minutes, ce sera prêt.»

Laure respira un bon coup et attendit. Et l’attente ne fut pas longue. Elles s’installèrent confortablement. Alors, Laure lui raconta tout, ainsi que sa trouvaille dans le journal inachevé de son grand‑père.

(Marie Nad réfléchit un bon 20 minutes.) Attendons.

«Je vois. Je vois. Il faudrait une potion spécialement parfumée assez puissante pour l’endormir plusieurs jours. Je peux la préparer, mais il faudrait que ce soit moi qui y aille; car il faut ajouter une incantation et moi seule peux la prononcer.»

«Vous devrez alors entrer dans le château, mais c’est impossible.»

«Pas si je me transforme. Attendez. Votre village est dans la noirceur? Eh bien, je vais devenir une chouette et j’incarnerai un autre animal, si nécessaire.»

«C’est magique!», s’exclama Laure Eyer.

Lorsque tout fut prêt, elles repartirent vers l’obscur village. Une fois arrivées, Marie Nad proposa de se reposer une journée. Le noir étant partout, rien de plus facile.

Ce délai passé, les préparatifs commencèrent. Marie Nad emportait dans sa tête toutes les incantations possibles et dans son bagage un lot de fioles qui s’avéreraient sûrement utiles le moment venu.

Laure Eyer lui souhaita bonne chance et Marie Nad partit.

Arrivée près du château, comme prévu, elle se changea en chouette et s’envola vers une branche d’un arbre tout près. Au château, tout semblait bien tranquille. Puisque l’obscurité y régnait, comment savoir si le comte Dracontour y était? Elle survola plusieurs fois les alentours à la recherche d’une fissure qui serait pour elle une entrée.

Elle la trouva et, pour pouvoir s’y infiltrer, elle prit la forme d’une souris. Par chance, cette fissure menait à l’intérieur. Celle-ci franchie, aussitôt elle reprit forme humaine. S’il y avait un chat, elle ne voulait pas être sa pâtée.

Le noir était partout. Il n’y avait aucun bruit. En face d’elle, un grand escalier. Elle y monta. En haut, il y avait un embranchement. De quel côté devait-elle aller? Elle choisit d’aller vers la droite et revint bredouille. Vers la gauche, les trois premières portes donnaient sur des pièces vides. À la quatrième, cependant, elle entendit un ronflement. Ce devait être la bonne.

Elle prit une de ses fioles, la lança, et dans le même temps prononçait l’incantation appropriée. Le bruit de la fiole éclatant en mille morceaux réveilla le Comte. Il n’eut que le temps de dire: «Qu’est-ce que c’est…», et il tomba dans l’inconscience.

Alors, Marie Nad redescendit et alla ouvrir la porte à Laure Eyer qui attendait, comme prévu, avec une dizaine de villageois. Ils transportèrent Dracontour au village. Marie Nad leur expliqua, voyant leurs visages inquiets, qu’il dormirait ainsi une bonne semaine.

Ils avaient tout ce temps pour rendre sa couleur au château. Quant à elle, elle rejeta bien loin le maléfice de la noirceur. Tout fut accompli dans les temps prévus; le château resplendissait, le soleil aussi.

Le réveil du comte approchait. On sentait la nervosité dans l’air, malgré que Marie Nad les eut assurés qu’il ne serait plus le même. Bientôt, il ouvrit un œil, puis deux. Il regarda, éberlué, tous ces gens attroupés autour de lui. Il ne semblait pas savoir qui il était.

Alors, on lui apporta un miroir. Ce qu’il y vit l’époustoufla. Que faisait-il dans ce costume rouge et depuis quand portait-il cette barbe blanche?

Tous ensemble, ils lui dirent: «Vous étiez si fatigué. Vous aviez préparé tant de cadeaux. On vous a laissé dormir un peu plus longtemps, mais maintenant il faut y aller. Les enfants vous attendent depuis si longtemps.»

Marie Nad ajouta: «Regardez autour de vous, toute cette beauté, votre scintillant château. Vous êtes le père Noël. Il faut reprendre vos esprits.»

Et le comte subjugué répondit: «Ho! Ho! Ho! Quelle féerie!»

Ce furent les premiers «Ho! Ho! Ho!» du père Noël.

FIN.