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<strong>Les dindons de Mirabel</strong>

Le mâle gonfle sa gorge rouge tout en se pavanant et faisant la roue auprès des femelles.

Les dindons de Mirabel

Publié le 12/10/2012

Collaboration spéciale
Une grosse dinde d’environ un mètre de hauteur marche à l’orée d’une forêt de Mirabel. Est-ce une hallucination? Cette scène surprenante est bel et bien une situation de plus en plus courante dans certaines régions du Québec.

Notre spécimen mystère est le dindon sauvage, un gros oiseau au dos brun, à la queue rousse et à la tête grise dénudée de plumes. Cet oiseau d’un poids de quelque huit kilos connaît une expansion assez soutenue au Québec.

Le dindon sauvage passe souvent inaperçu, malgré sa grande taille. Il est farouche et son allure brunâtre se confond avec la couleur de la terre et les teintes de la bordure de la forêt. La meilleure saison pour le remarquer s’avère le printemps, au temps des amours. Le mâle gonfle sa gorge rouge tout en se pavanant et en faisant la roue auprès des femelles. De plus, l’oiseau lance des gloussements retentissants qui peuvent être entendus jusqu’à un kilomètre à la ronde.

Au début de la colonisation, le dindon sauvage était abondant, la population étant estimée à plusieurs millions de têtes en Amérique du Nord. Au fil des siècles, l’oiseau a fait l’objet d’une chasse intense, sa viande étant très recherchée. Il a ainsi disparu de plusieurs régions, notamment au Québec. La population américaine a atteint un creux de 30 000 individus vers les années 1930, pour ensuite reprendre une croissance régulière.

Au début des années 1980, le dindon sauvage est réapparu de manière timide au Québec. En provenance du nord-est des États-Unis, l’oiseau a franchi la frontière. Des petits groupes ont en effet été observés dans le sud de l’Estrie et de la Montérégie, où l’on a découvert un premier nid, en 1984.

Le volatile (l’oiseau est capable de voler sur de courtes distances, en dépit de son poids) a ensuite agrandi son aire de répartition pour s’établir dans plusieurs régions au sud du fleuve Saint-Laurent.

Apparition récente dans les Basses-Laurentides

Au début des années 2000, une autre population de dindons sauvages a été recensée en Outaouais, en provenance de l’Ontario.

Dans les Basses-Laurentides, son apparition est récente et a été confirmée dans au moins trois endroits, dont Mirabel, Saint-André-d’Argenteuil et Lachute, selon l’Atlas des oiseaux nicheurs du Canada. L’espèce est devenue résidente, passant les quatre saisons dans son territoire.

Le milieu physique de ces dernières régions est propice à l’espèce. Le dindon sauvage fréquente les forêts de feuillus donnant sur des champs. Il s’abrite en forêt pour dormir, mais aime parcourir les champs pour se nourrir. Son régime alimentaire comprend du maïs, des grains, des vers de terre, des criquets, des crapauds et des petits fruits.

Le dindon sauvage fait partie de la famille des phasianidés, un groupe de quelque 180 espèces à travers le monde. Au Québec, on y retrouve sept représentants, dont la gélinotte huppée et le tétras du Canada.

La population du dindon sauvage au Québec continue de croître, le nombre total ayant dépassé la barre des 2 000 oiseaux. Ce nombre n’inclut pas les dindons sauvages issus d’élevages privés et qui s’échappent parfois dans la nature.

L’espèce demeure sensible aux hivers rigoureux et compte plusieurs prédateurs. Les coyotes, les renards, les ratons laveurs et les hiboux, entre autres animaux, convoitent les gros œufs du dindon, sans oublier le braconnage pratiqué par certains individus.

L’établissement du dindon sauvage élargit le répertoire de la faune ailée québécoise, mais l’espèce demeure vulnérable face aux nombreux dangers qui l’entourent.

ENCADRÉ

Journaliste indépendant pour divers magazines et autodidacte dans l’apprentissage de l’ornithologie, Bernard Cloutier est membre de la Société ornithologique de Lanaudière. Il est aussi animateur, guide et conférencier. Pour lui écrire: b.clou@hotmail.com.