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Le suicide au Québec: Trois fois plus d’hommes que de femmes passent à l’acte

Bruno Marchand

Le suicide au Québec: Trois fois plus d’hommes que de femmes passent à l’acte

Publié le 05/02/2014

Le tournant des années 2000 a marqué une étape importante dans le domaine de la prévention du suicide au Québec. Les statistiques indiquent un nombre tout de même effarant avec 1 089 suicides en 2010, mais il s’agit pourtant d’une nette amélioration. Toutefois, ce qui est notable, c’est qu’il y a trois fois plus d’hommes que de femmes et trois fois plus de francophones que d’anglophones qui passent à l’acte.

Le directeur général de l’Association québécoise de prévention du suicide, Bruno Marchand, est bien au fait de cette situation et donne quelques explications. À partir de 1999, il y a eu une baisse radicale du taux de suicide jusqu’au milieu des années 2000. Cette importante diminution est survenue chez les 15‑19 ans et chez les 20‑35 ans. Les baisses annuelles ont joué de 10 jusqu’à 30 % par année. Les raisons sont les activités ciblées auprès des jeunes. Les Centres jeunesse et les écoles ont fait un travail colossal. Il y a aussi eu la création de la ligne 1 866 APPELLE.

Bruno Marchand ajoute: «Pour l’année 1999, il y a eu 1 520 pertes de vies humaines par le biais du suicide. En 2010, nous avons eu 1 089 suicides et nos indices nous permettent de croire que ce chiffre sera semblable lorsque sortiront les statistiques de 2011. C’est quand même 430 personnes de moins qu’en 1999.»

La catégorie à laquelle il faut s’attarder pour continuer à faire descendre les chiffres du fléau, c’est celle des hommes de 35‑49 ans. Il n’existe pas d’explication ultime pour connaître les raisons du suicide chez les hommes. Bruno Marchand donne quelques pistes.

«Les hommes sont plus psychorigides que les femmes. Ils vont demander moins d’aide et ils acceptent moins d’être aidés. Ils n’acceptent pas de voir d’autres solutions que le suicide pour régler leurs problèmes. Avec des moyens qui ne pardonnent pas, ils vont poser un geste impulsif sans trop réfléchir aux conséquences.»

Selon Bruno Marchand, il ne faut pas négliger le caractère culturel. Le Québec est la province canadienne où le taux de suicide est le plus élevé. D’ailleurs, parmi les pays industrialisés, le Québec vient au cinquième rang avec le plus haut taux de suicide soit 14 pour 100 000 habitants, non loin derrière la France au 3e rang mondial avec une moyenne de 15. C’est le Japon qui vient au premier rang avec 19.

«Le suicide, indique le directeur général, est devenu chez les hommes une porte de sortie acceptable à la souffrance. C’est quelque chose de banalisé et accepté au Québec alors qu’il existe d’autres solutions pour mettre fin à la souffrance.»

Les moyens de prévenir le suicide sont connus. «On les connaît en très grande partie, dit M. Marchand, mais on ne les applique pas assez vite. Il faut faire en sorte que dans les hôpitaux lorsque les gens consultent pour des idées suicidaires, ils doivent être référés sans attente à un suivi étroit.»

Bruno Marchand propose d’autres solutions:«Il faut accentuer la prévention en milieu de travail. Il faut briser la culture de tolérance du suicide.Il faut gérer le contrôle des armes à feu à domicile. Il faut adapter les services d’aide aux hommes qui vont plus parler lorsqu’ils sont en mouvement et non assis sur une chaise.»

«On n’a pas besoin, termine Bruno Marchand, d’investir des milliards de dollars. Il faut que les politiciens refusent de perdre d’autres personnes par suicide. Nous savons comment, nous allons mettre les moyens en place et nous voulons des résultats. J’ai bon espoir qu’on va y arriver.»