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Effaroucher les outardes: Métier, gestionnaires de la faune

Era

Effaroucher les outardes: Métier, gestionnaires de la faune

Publié le 20/11/2014

Il n’y a plus d’outardes, sur le site du parc Charbonneau de Rosemère, en ce matin nuageux du 28 octobre. Tout juste si l’on aperçoit, à une trentaine de mètres, deux goélands stationnés sur le terrain de football… et qui s’envolent sans demander leur reste, à la seconde même où Era, une buse de Harris, déploie ses ailes.

Elle a pourtant à peine bronché, Era. Elle n’a toujours pas quitté son perchoir, c’est-à-dire la main gantée du fauconnier Marc-André Fortin, président de la firme GPF-Gestion de la faune, embauché par la Ville de Rosemère pour régler un épineux problème: la présence encombrante des goélands et surtout des bernaches du Canada (aussi appelées outardes) dans cet espace vert réservé au public.

Le problème est double, en fait. Les bernaches qui s’arrêtent au parc Charbonneau dans leur migration automnale (ou printanière) sont de voraces brouteuses de gazon. Lorsqu’il en arrive 200 d’un coup, un terrain peut rapidement être rasé, ce qui entraîne d’onéreuses réparations, toutes portées au compte des payeurs de taxes, dans ce cas particulier.

L’autre partie du problème réside dans les quantités industrielles de fientes (ajoutons les dépenses liées au nettoyage) qu’elles laissent sur le sol, contrairement aux canards, par exemple, qui se soulagent dans l’eau.

Au parc Charbonneau, les bernaches ont aussi pris l’habitude d’envahir la surface synthétique du terrain de soccer. Même s’il n’y a pas l’ombre d’un brin d’herbe à déguster, l’espace dégagé au-dessus de leurs têtes leur permet de voir venir les prédateurs, tandis que le matériau artificiel, lorsqu’exposé au soleil, procure une chaleur qu’elles semblent affectionner.

On comprendra que leurs déjections, même si rien ne prouve qu’elles soient dommageables pour la santé humaine (réf.: Environnement Canada), sont un élément rebutant pour les joueurs de soccer, dont la plupart sont des enfants, et leurs parents spectateurs. Dans certaines villes, il est même arrivé que le Département de santé publique force la fermeture de certains terrains sportifs pour cette raison précise.

Environnement inhospitalier

Que faire alors? Abattre systématiquement les outardes et les goélands qui se posent au parc Charbonneau? Non, évidemment. Le service proposé par Marc-André Fortin et son partenaire d’affaires Gray Wilson consiste alors à créer un environnement inhospitalier pour ces espèces indésirables. Comment? En y introduisant un prédateur naturel qui leur fera comprendre que le parc est une zone à éviter. Et qu’il vaut mieux aller se faire voir ailleurs.

Que les amants de la nature et de la faune aviaire se rassurent, il n’y a aucune attaque directe, aucune capture dans l’opération. Et heureusement, car les serres d’Era et leurs 300 livres de pression ne laisseraient aucune chance à la pauvre proie.

Era n’est pourtant pas un oiseau pacifique, loin de là. Mais comme elle n’est pas plus rapide en vol (environ 50 km/h) que les oiseaux qu’elle convoite, elle ne peut miser que sur l’effet de surprise (comme tous les oiseaux de proie, d’ailleurs). Le fauconnier s’arrange alors pour créer une distance suffisante entre la buse et sa proie. Comme la buse chasse en se perchant sur les arbres ou les lampadaires (pour observer sa proie de haut et, au besoin, piquer vers elle pour la surprendre), le dresseur peut lui faire changer de perchoir à loisir, tout simplement en se déplaçant au sol. Ça fait partie du dressage. La buse sait toujours où se trouve son maître. En tout temps, celui-ci peut la rappeler vers lui d’un «hep!» sonore, tout en brandissant un morceau de viande de caille. Era, qui comprend instantanément de quoi il s’agit, abandonne sa chasse et revient en planant, frôle le sol en fin de descente et remonte se percher sur le gant de l’expert. Le spectacle est complet. Sa journée de travail est finie.