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Conférencière à Mirabel: Djemila Benhabib, voix des femmes opprimées

Conférencière à Mirabel: Djemila Benhabib, voix des femmes opprimées

Publié le 18/03/2014

La bibliothèque de Mirabel avait invité Djemila Benhabib, auteure et féministe engagée, pour une conférence sur le thème: Écrire pour défendre les droits des femmes. Pourquoi et comment?

«Pour le courage de dire et d’exister.» C’est par ces mots, à la fois simples et puissants, que Djemila Benhabib dédicace ses ouvrages. L’auteure n’est pas seulement une militante contre le fondamentalisme islamique, elle est un témoin des violences physiques et morales dont peuvent être victimes les femmes «et les petites filles», insiste-t-elle. «J’ai quitté l’Algérie en 1994, car moi et ma famille étions condamnés à mort par le FIDA (Front islamique du djihad armé).»

En devenant auteure, Djemila a fait un choix fort. «Écrire pour une femme musulmane, c’est un engagement qui n’est pas sans risque. C’est se mettre à nu, soi-même, mais aussi sa famille et sa communauté. C’est mal perçu. Avec À contre-Coran, je suis entrée en dissidence, mais une dissidence affirmée et pas honteuse, car la communauté musulmane n’est pas homogène. Et puis écrire, c’est exister à travers les mots, une langue et mes publics au Québec, en France ou en Algérie.»

Après Ma Vie à Contre-Coran, Djemila Benhabib a publié deux autres ouvrages: Les soldats d’Allah à l’assaut de l’Occident et Des femmes au printemps. Dans ce dernier opus, elle s’est intéressée au statut des femmes en Égypte et en Tunisie et leur rôle dans le printemps arabe. «J’essaie d’analyser de quelle façon la vie des femmes change, comment elles s’impliquent. C’est ma porte d’entrée en géopolitique. Le statut de la femme est révélateur de la santé de la démocratie d’un pays», assène-t-elle avant de s’inquiéter de la récupération par les islamistes des révolutions arabes et du recul du droit des femmes dans les pays concernés. Et de constater aussi que la progression de l’islam politique dans un pays avait des répercussions sur les états voisins ou plus lointains.

Djemila Benhabib a voulu que cette conférence ne soit pas un cours magistral, mais bien un échange avec son public. Sans surprise, la discussion a vite porté sur la situation au Québec. «Pourquoi les femmes d’ici portent le voile?», s’interroge l’assistance. «Pour se démarquer», répond l’auteure. «On les regarde, elles passent à la télé. Ça leur donne un pouvoir, un idéal. Ces femmes appartiennent à des lobbys politico-religieux qui vivent en communauté. Ça les rassure dans nos sociétés individualistes. Mails il n’y a rien de spontanée, c’est du marketing. Je ne veux pas victimiser ces femmes. Elles sont responsables de leur destinée et parfois, participent à leur propre aliénation.» Djemila Benhabib s’alarme de certaines dérives constatées sur le sol de son pays d’adoption: crimes d’honneur, mariages forcés, prédicateurs aux messages violents, présence de niquabs dans des universités…

Mais elle a voulu clore son intervention par un message d’espoir. «Il n’y a pas de fatalité. Il y a dans les pays musulmans des courants féministes, laïcs, et démocratiques qui luttent au quotidien.» Un travail de longue haleine auquel l’auteure entend bien participer. À la suite d’un voyage effectué en Afghanistan à l’automne dernier, elle devrait apporter, dans un prochain ouvrage, un nouveau témoignage sur la condition des femmes.