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<strong>Alzheimer: Le deuil d’une mémoire vivante</strong>

Lucien Boivin explique son rôle d’aidant naturel auprès de sa femme de 66 ans.

Alzheimer: Le deuil d’une mémoire vivante

Publié le 25/09/2012

«Le plus difficile? C’est de faire le deuil d’une personne vivante… Et c’est ce que je fais, je fais le deuil de mon père… L’Alzheimer, c’est la pire maladie que je connaisse.»

Ces phrases que prononce Chantal Lepage, 44 ans, fille de Noël Lepage, 73 ans, sont le reflet d’une douleur presque constante liée à la perte d’un être cher encore vivant. Tranquillement, et sans possible retour en arrière, la maladie fait ses ravages dans le cerveau de celui qui en est atteint. Et ses principaux témoins en sont les enfants, les conjoints ou les amis qui assistent, impuissants, à cette dégradation inexorable.

«Ah oui, tout à fait, c’est entièrement vrai ce que vous dites!»

Au tour de Gérard Légaré de confirmer les propos de Chantal puisque lui aussi s’occupe depuis plusieurs années de sa belle-mère, également souffrante de la maladie d’Alzheimer.

Pour les besoins de la cause, ils ont accepté de lever le voile sur leur rôle d’aidant naturel. Assises autour d’une table, quatre personnes qui ne se connaissaient que de vue discuteront sans honte ni fausse pudeur de leurs épreuves, de leurs observations (souvent douloureuses) et des rapports qu’ils entretiennent avec la maladie.

Épuisement, douleur morale, culpabilité, mais aussi crainte face à l’Alzheimer, ils échangeront à bâtons rompus pendant plus de deux heures, sur leurs impressions respectives.

Aussi, nous verrons que les confidences prendront rapidement l’allure d’une thérapie de groupe, tant les émotions de chacun renverront au quotidien de l’autre.

Présentation

Au côté de Chantal Lepage et de Gérard Légaré, nous trouvons respectivement Gisèle Leprohon, 74 ans, qui prend soin jour et nuit de son mari Bernard depuis quatre ans, et Lucien Boivin, qui veille sur son épouse de 66 ans, Lorraine, dont le diagnostic de la maladie remonte à trois ans.

Zoom sur une mémoire défaillante

«Selon moi, ça fait longtemps que l’Alzheimer existe. Vous devez vous rappeler qu’il y a une cinquantaine d’années, on disait parfois d’une personne âgée qu’elle retombait en enfance», lance Gérard.

Hochement de tête des plus vieux (mais pas pour Chantal).

«Ma belle-mère est rendue actuellement dans une étape où elle ne réalise pas où elle est… Elle est aussi colérique. Elle manque de stimulation», continue Gérard Légaré.

«Ils luttent contre la maladie n’est-ce pas?, lance Chantal à la ronde. Ils réalisent qu’ils sont en train de perdre leurs points de repère, ils ne sont pas fous.»

(Effectivement, la maladie d’Alzheimer ne s’apparente pas à la folie. Il s’agit d’une maladie neurodégénérative incurable du tissu cérébral entraînant la perte progressive et irréversible des fonctions mentales et notamment de la mémoire).

«Aujourd’hui, mon mari ne se lave plus tout seul. Son corps ne fonctionne plus. Il a de la difficulté à se lever, relate Gisèle. Je dois aussi lui rappeler d’aller aux toilettes. La maladie fait plus de ravages sur son corps que sur sa mémoire.»

Sidérés par l’ampleur des tâches que la dame doit effectuer au quotidien, les participants lui suggèrent (fortement) de demander de l’aide.

«Non, non, c’est correct. Je ne suis pas prête à le placer dans un CHSLD. Mes filles n’habitent pas loin et, au besoin, je les appelle», répond-elle en rappelant ses 53 années de mariage avec lui.

Quant à Lucien Boivin, il doit conjuguer les soins à prodiguer à sa femme avec les fugues qu’elle a déjà faites.

«Entre 65 et 70 ans, tu as zéro support, aucune aide financière, gronde-t-il. Je suis retraitée et je m’en occupe jour et nuit, 24 heures sur 24. Les gens ne se rendent pas compte de l’effort que ça demande, car elle ne paraît pas malade. Je la surveille comme je surveillerais un enfant de trois ans. C’est pareil».

Les conversations? «Oui, on est capable d’avoir des conversations ensemble, mais c’est oublié instantanément.»

(Voir autres textes.)