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<strong>Éphémère, la gloire</strong>

Éphémère, la gloire

Publié le 28/10/2014

Je ne vous apprendrai rien en vous disant qu’Eugénie Bouchard a connu un parcours exceptionnel en 2014. Partie du 144e rang WTA, en 2012, elle a grimpé au 32e, en 2013, et au 20 octobre 2014, elle siégeait au 5e échelon derrière les Williams, Sharapova, Kvitova et Halep, mais devant Radwanska, Ivanovic, Wozniacki, Na et Kerber. En cette année de grâce, elle s’est attiré les louanges de Chris Evert et Martina Navratilova, en atteignant les demi-finales en Australie et à Roland-Garos, la finale à Wimbledon et le 4e tour à Flushing Meadows. Moins publicisé, elle a remporté son premier tournoi à Nuremberg en mai, atteint la finale à Wuhan, en Chine, en septembre, et gagné les quatre matchs qu’elle a disputés pour le Canada en Fed Cup contre la Serbie et la Slovaquie. Elle n’aura finalement déçu qu’à Montréal où elle s’est inclinée au 2e tour devant la 113e, Shelby Rogers, et au Masters de Singapour où elle a subi trois défaites consécutives aux mains de Simona Halep, Anna Ivanovic et Serena Williams.

En marge de ce dernier Masters qui réunissait les huit meilleures raquettes féminines, Associated Press n’y est pas allé avec le dos de la cuillère pour décrire la performance de la vedette chouchou des amateurs de tennis québécois. C’est avec des titres et des phrases telles que «Eugénie Bouchard n’aura fait qu’acte de présence aux finales de la WTA», «Pour une troisième fois, Bouchard ne fait pas le poids», «La Montréalaise a subi une troisième raclée en autant de matchs», que cette agence de presse décrit le passage de Bouchard, à Singapour. Pour La Presse, Eugénie Bouchard est «surclassée par Ana Ivanovic» tandis que Métro Montréal titre que Bouchard «est de nouveau rossée à Singapour». Des mots durs pour une jeune fille de 20 ans qui est devenue la première Canadienne, et sûrement Québécoise, à atteindre une finale du grand chelem.

Des mots durs certes, mais comment décrire autrement des défaites consécutives de 6-2, 6-3, puis 6-1, 6-3 et finalement 6-1 et 6-1? Certains se sont indignés de ces propos, mais à tort. Que ce soit Eugénie Bouchard, Tiger Woods, P.K. Subban ou autre vedette célébrée, si elle se plante, elle se plante, point à la ligne. Le travail du journaliste consiste simplement à rapporter les faits avec les mots qu’il juge à propos d’utiliser. Les performances étincelantes antérieures sont louangées au moment où elles se produisent et personne n’y a trouvé à redire. Le premier piège dans lequel il ne faut pas tomber dans ces périodes euphoriques de victoire, c’est de placer l’athlète sur un piédestal et de le draper dans un manteau d’invincibilité. Et c’est souvent là où le bât blesse. On s’attendait à quoi d’Eugénie Bouchard au juste? Qu’à 20 ans et à sa première vraie bonne saison sur le circuit, elle mette les Williams, Ivanovic, Kvitova et autres qui y triment depuis des années dans sa p’tite poche d’en arrière? Porter aux nues une impressionnante performance tout comme qualifier un cinglant revers de raclée, c’est tout simplement appeler une pomme, une pomme. Le deuxième piège à éviter est celui de juger l’athlète sur une ou quelques défaites. Eugénie Bouchard a trop de talent pour ne pas rebondir et si elle ne le fait pas, elle aura au moins connu son année de gloire, chose dont bien peu de nous peuvent se vanter.

Parlant d’emportement, j’ai récemment lu quelque part que P.K. valait amplement les 72 M$ que le CH lui avait consentis pour les huit prochaines saisons et que le début de saison du Tricolore avait une odeur de champagne dans la Coupe Stanley. Attention, les gars! Les mots raclée et déclassé ne sont jamais loin dans le vocabulaire des journalistes et des fans. Parlez-en à Eugénie!