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Conte de Noël pour enfants pas très sages

Illustration de Béatrice Cardin

Conte de Noël pour enfants pas très sages

Publié le 13/12/2014

(NDLR) - Cette année, vos hebdos L'ÉVEIL et LA CONCORDE ont demandé à des auteurs d'ici d'écrire un conte de Noël. Voici donc le deuxième de trois, signé Francine Allard. Auteure d’une quarantaine de romans pour les enfants et adolescents, ainsi que d’une vingtaine pour les adultes. Francine Allard, qui réside maintenant à Oka, fêtera cette année son 65e Noël. Ce conte, elle dit l’offrir aux enfants de tous âges pour qu'ils fassent de Noël un moment de pardon et d'amitié. Mentionnons que celle-ci propose ces jours-ci de découvrir les deux premiers tomes de deux nouvelles séries, Clinique Valrose, et Les fantômes de Monsieur Jacques, publiés aux Éditions La Semaine. Il est possible de lui écrire via son site Web, au [www.francineallard.com]. Nous la remercions pour son texte, ainsi que sa petite-fille Béatrice Cardin, 11 ans, pour son illustration.

Tu connais les santons de Provence? Ce sont de jolies figurines représentant les personnages qui forment les villages anciens de cette contrée de la France. Imagine un peu qu’à Saint-Eustache, dans la nuit du 25 décembre, nuit qui donne la parole aux animaux, j’ai rencontré des santons qui m’ont fait passer le plus beau Noël de toute ma vie.

Ça commence ainsi.

Je suis l’ange Boufareu. Ils m’ont appelé comme ça à cause des grosses joues que j’ai fini par attraper à force de jouer de la trompette chaque fois que le Bon Dieu était content. Et cette nuit-là, jamais il n’avait été aussi content, le Bon Dieu. Il allait être papa d’un moment à l’autre. Et moi, je n’avais jamais soufflé aussi fort dans mon instrument.

Tout le monde se préparait à fêter la Noël. Chez les bons citoyens, comme chez les plus inquiétants, les sapins brillaient de mille feux, les biscuits cuisaient dans les fourneaux, les enfants avaient le cœur dans la confiture de framboises.

Dans le petit dépanneur de la rue Saint-Eustache, monsieur et madame Guilbert servaient les nombreux clients avec une rare bonhommie.

À minuit pile, au moment d’accrocher l’affiche «FERMÉ», madame Guilbert ressentit un petit chatouillement au cœur en comptant l’argent de la caisse. Une jolie musique, comme en provenance de la petite rivière ou du vieux moulin, lui caressa les oreilles. Son mari venait de finir de balayer la neige de l’escalier. Il entra et madame Guilbert s’exclama:

– Arthur! Tu as plein de petites étoiles sur les épaules. Ça brille partout! Qu’est-ce qui se passe, veux-tu me le dire?

– Je l’ignore. Mais je me sens bien tout à coup!

– Il faut que je te dise un secret, mon mari. Tu sais, le petit Pierre qui est venu acheter un cadeau pour sa maman? Eh bien, je lui ai vendu le vieux parfum qui traînait sur la tablette du fond.

– Ouais, et puis quoi? Ce n’est pas la première fois que tu vends des produits périmés.

– Arthur, je le regrette tellement! Pierre passe les circulaires de l’épicier pour quelques dollars seulement et sa maman est malade, en plus. Oh, comme je le regrette!

Au moment de sa confession, portée par une étrange musique, Mme Guilbert se sentit soulagée par ses propres révélations.

Arthur Guilbert déclara:

– Ma femme, j’ai vendu des sacs de chocolat à des clients et nous les avions depuis deux ans. Je devrais être puni pour avoir fait ça! Comme c’est bizarre, encore cette jolie musique des anges.

Mme Guilbert vit arriver son voisin, monsieur Chénier, énervé comme pas un. Si elle n’avait pas été remplie d’une si grande joie, elle lui aurait crié: «Vous ne voyez pas que c’est fermé, sainte pistache!». Au contraire, elle lui ouvrit grande la porte de sa boutique.

Monsieur Chénier avait, sur les épaules, un rideau de petites étoiles scintillantes et toujours cette musique qui tintait dans ses oreilles en provenance du ciel.

– Vous avez besoin de quelque chose, Monsieur Chénier? lui demanda-t-elle.

– Oh, je suis rempli de remords, Mme Guilbert. Vous connaissez sans doute la vieille dame aveugle qui habite le rang Sept? Quand elle me demandait de faire ses courses à l’épicerie, je gardais toujours la monnaie. Au bout du compte, ça m’a fait un sacré pourboire! Et…

– Et…?

– Je le regrette. Et je voudrais lui offrir un panier de victuailles bien rempli pour la Noël. Je me sens tout bizarre, moi qui n’ai pas la réputation d’être très généreux, j’ai le goût de donner, de donner…

– En effet, quelque chose d’étrange se passe à Saint-Eustache.

Chaque fois que les Guilbert tentaient de fermer leur commerce, une personne, remplie d’étoiles brillantes et de bonne volonté venait acheter qui, un panier de vivres, qui un cadeau pour se faire pardonner une mauvaise action. Personne ne savait ce qui se passait, ce 24 décembre-là. Même moi, l’ange Boufareu!

Ils furent dix, ils furent vingt, remplis du bonheur de faire plaisir à des gens qu’ils n’avaient pas su ménager. Cette dame Labrie pardonna à sa fille d’avoir fui avec le fils du voisin. Ces manœuvres offrirent leur temps pour aider les Fradette à construire leur maison. Cette marchande d’animaux fit livrer des kilos de croquettes pour le chien de l’institutrice, qu’elle avait roué de coups de pied chaque fois qu’il jappait après elle quand elle passait devant la maison. Le poissonnier promit de ne plus vendre du vieux flétan pourri à sa clientèle et le facteur, lui, jura de livrer le courrier dès qu’il le recevait.

Tout ce beau monde ressentait de l’amitié, voire de l’amour, pour tous les villageois qu’il avait traités sans charité.

Quelque chose d’étrange se passait dans ce petit village enneigé. La musique enveloppait la grand’rue. Les gens devenaient bons.

Tous, d’un pas entraînant, se rendirent à la salle commune, les bras chargés de gâteaux et de biscuits, des sucres d’orge et des fruits confits, des surprises pour les enfants, des bons mots pour leurs parents. Noël ne fut plus le même. Il avait fait des heureux.

Et moi, l’ange Boufareu, je n’ai plus rien à faire par les temps qui courent. Vous n’auriez pas une petite chicane de voisins à régler?

Joyeux Noël à tous,

L’Ange Boufareu