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SOS Jeunesse: Ces parents qui aiment mal…

Le jeune Émile (prénom fictif) a songé un jour à se suicider. Cela aurait pu ressembler à cette scène (reconstituée par notre photographe)

SOS Jeunesse: Ces parents qui aiment mal…

Publié le 11/03/2015

Émile (prénom fictif) avait onze ans. Convaincu d’être le responsable des fréquentes disputes entre ses parents, il prépara un jour sa corde pour aller se pendre du haut du pont Arthur-Sauvé. «Si je meurs, ils vont arrêter de se chicaner», pensait-il. Juste avant, il contacta SOS Jeunesse… et Linda Provost lui sauva la vie.

En fait, le dénouement de l’histoire n’est pas si rose. Émile est toujours bien vivant, mais le discours misogyne de son père à l’endroit de sa mère, infiniment répété au fil des ans, a laissé son empreinte sur lui…

Depuis 20 ans qu’elle dirige SOS Jeunesse, organisme établi à Deux-Montagnes et à Saint-Jérôme, Linda Provost en a vu des centaines d’enfants victimes de violence physique, psychologique ou d’abus sexuel débarquer dans ses locaux pour y rencontrer sous supervision leur parent, jugé inapte à s’occuper d’eux.

Parmi eux se trouvent des enfants pris en otages par leurs parents, qui les dressent l’un contre l’autre pour régler leurs comptes, ce que l’on appelle le syndrome d’aliénation parentale (SAP).

«C’est le plus gros fléau actuellement, signale Mme Provost. L’aliénation parentale, c’est de la vengeance. C’est pire que de la manipulation et ça amène des conséquences néfastes chez l’enfant: tristesse, désespoir, beaucoup d’anxiété. Plus tard, ça peut même l’amener à consommer de la drogue ou à être suicidaire.»

Et la liste des enfants qui viennent toutes les semaines à SOS Jeunesse augmente de façon fulgurante. En 2012, on a enregistré 150 enfants. L’année suivante, 178 cas.

Selon l’expert psycholégal Hubert Van Gijseghem, entre 5 et 10 % des enfants de parents séparés se retrouvent victimes du SAP.

Mme Provost affirme qu’au moins 40 % des parents qui fréquentent son organisme actuellement sont des femmes. Un phénomène en progression qui lui fait peur. «Il n’y a rien de plus destructeur qu’une mère aliénante parce que jeune, c’est vers ta mère que tu te tournes, quoi qu’il arrive. Son rôle est plus déterminant», dit‑elle.

Elle rapporte le cas d’une femme qui était prête à tout pour que ses deux filles évacuent leur père de leur vie, quitte à les persuader qu’il avait abusé d’elles sexuellement, ce qu’elles avaient effectivement fini par croire.

«La mère cachait des mots méchants sur son père dans les gros crayons et vêtements de sa fille. Elle lui dictait aussi quoi dire à l’école et la mettait en garde contre moi. On a démantelé son influence et elle a été accusée au criminel, car c’est criminel que de porter de fausses accusations d’abus contre le père. Un jour, la garde de ses filles lui a été retirée», se remémore Linda Provost.

Cette autre histoire s’est très mal terminée: la mère s’est suicidée. «Elle a laissé une note à sa fille: ‘Tu es échec et mat’», raconte Mme Provost, qui considère cette femme comme le pire cas d’aliénation dont elle s’est occupée en 20 ans.

La directrice de SOS Jeunesse se rappelle aussi d’avoir conseillé de faire retirer une jeune fille du foyer maternel pour la faire placer en famille d’accueil. «La mère dwisait à sa fille de 9 ans, qui subissait les viols de son beau-père depuis l’âge de 6 ans: ‘Pourquoi t’es pas reconnaissante? Quand tu vas être grande, tu vas savoir jouer aux fesses.’ Cette mère a choisi son conjoint délinquant, plutôt que sa fille», déplore Mme Provost.

Pour éviter que se multiplient les victimes du SAP, les psychologues Van Gijseghem et Carole Leroux-Beauchamp estiment que les parents devraient recourir à la médiation afin de préparer leur séparation, avant de s’entredéchirer.