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«Pour notre propre paix, c’est important de pardonner»

(Photo Michel Chartrand) – Devant plusieurs dizaines de personnes, Rita Lafond a mentionné que le temps était venu, pour elle, de pardonner.

«Pour notre propre paix, c’est important de pardonner»

Publié le 03/04/2009

Le 27 mars 2009 marquait le 40e anniversaire de l’expropriation de Mirabel. Dans une cérémonie commémorative empreinte d’émotions et de souvenirs, ils étaient des dizaines à s’être réunis à la salle communautaire Georges-Duquet de Sainte-Scholastique, là même où 40 ans plus tôt, précisément à 14 h 25, le ministre Jean Marchand annonçait officiellement l’expropriation d’un territoire aussi grand que l’île de Laval pour la construction d’un aéroport international, soit 97 000 acres de terrain.

La plus vaste superficie jamais expropriée au monde pour un aéroport. En tout, 14 municipalités étaient visées et 3 126 propriétaires, soit plus de 10 000 personnes directement touchées. Tout ça pour un aéroport qui, tristement et comme tout le monde la sait, a depuis fermé ses portes. «À l’automne 1968, nous vivions notre rêve. Nous étions sur le chemin de la réussite et nous étions fiers de notre route. Il ne nous restait qu’à continuer», ont raconté Carmelle et Fernand Ladouceur. Le 27 mars 1969, c’est par la radio que Mme Ladouceur a appris que sa famille était expropriée. «Soudain, tout s’est écroulé», s’est-elle rappelée.

Avec pour thème: Une leçon d’histoire et de solidarité, la cérémonie se voulait un rappel des grandes étapes du mouvement des expropriés de 1969 à aujourd’hui.

Ponctuée de témoignages au cours desquels 40 coups de gong ont été frappés, la cérémonie a permis un rappel des principaux évènements qui ont marqué le mouvement de solidarité des expropriés, du difficile regroupement des expropriés (1969-1972), à la réappropriation du territoire, phase I (1981 à 1984) et phase II (laquelle s’est terminée le 13 décembre 2006, au moment où le premier ministre du Canada, Stephen Harper, a annoncé la deuxième rétrocession des terres), en passant par le réveil rural de Mirabel (1973 à 1975), à la recherche de solutions – locataires à vie? (1976 à 1980), et la mobilisation des expropriés pour reprendre leurs terres (1981 à 1984).

Le temps de pardonner

Parmi les gens qui ont accepté de prendre la parole, il y a eu, entre autres, la fille de Jean-Paul Raymond, Martine, qui a profité de la tribune pour rendre hommage à son père, «Merci pour ta soif de la justice», et Rita Lafond, pour qui le temps de pardonner est maintenant arrivé. «Plus je vieillis, moins ça me tente de retourner dans ce dossier. Et bien que les traces de cette expropriation soient imprégnées dans nos familles, pour notre propre paix, c’est important de pardonner. Plusieurs ont d’ailleurs commencé à le faire», a-t-elle exprimé.

Pardonner malgré la colère qui gronde toujours devant les gestes qui ont été posés, devant les décisions qui ont été prises sans égard aux gens qui habitaient cette région, et malgré le fait surtout que, depuis 40 ans, jamais aucune excuse n’a été faite à qui que ce soit, ni de quelconque façon. «Quand je repense à tout ça, j’ai encore un goût âcre dans la bouche. Mais ce qui me reste de plus important, c’est cette belle, grande et extraordinaire solidarité qui s’est installée entre nous, des plus jeunes aux plus vieux», a-t-elle résumé.

Une solidarité qui leur aura permis de se rendre jusqu’à la revente des terres inutilisées, plusieurs décennies plus tard. En partie, à tout le moins puisque la dernière rétrocession annoncée par M. Harper en décembre 2006 n’est toujours pas conclue.