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L’entraide et la pénurie

Parce que les bâtiments ne sont plus sûrs, les Haïtiens sont contraints à l’errance. La pénurie d’eau et de nourriture accompagne désormais leur malheur.

L’entraide et la pénurie

Publié le 19/01/2010

Dans l’enfer haïtien (N.D.L.R.) — Notre journaliste Caroline d’Astous se trouve présentement à Haïti. Au moment du séisme qui a violemment touché ce pays, le mardi 12 janvier, elle poursuivait un voyage de coopération à Montrouis, à 70 km au nord de Port-au-Prince, là où elle avait entrepris de s’occuper, pendant tout le mois de janvier, des enfants de l’École mixte de la foi. Son rôle a soudainement changé. Depuis le lendemain de cette catastrophe, on a pu la lire dans le quotidien Le Devoir et l’entendre sur les ondes de RDI raconter ce qu’elle a vu à Port-au-Prince. Voici le témoignage qu’elle nous livrait lundi, en fin de journée.

Difficile d’expliquer l’inimaginable. À Port-au-Prince, les gens sont littéralement laissés à eux-mêmes. J’ai passé la journée de vendredi, le 15 janvier, à me promener en moto avec mon interprète, à travers les rues et les différents coins du quartier de Carrefour, l’un des secteurs les plus gravement touchés par le séisme. Le drame était désolant, voire horrifiant.

Depuis le tremblement de terre, les citoyens de Port-au-Prince ont reçu l’avertissement, via la radio nationale, de ne pas entrer dans les maisons. Les autorités ont peur que les infrastructures touchées par le séisme tombent dans les prochains jours. Les gens sont dehors, assis sur le sol, devant leur maison. Regroupés en famille ou avec des amis, ils se sont fabriqué une vie de quartier artificielle. Ils partagent tout. Aucune intimité. La pudeur est laissée de côté.

L’entraide

J’ai aperçu des citoyens qui, pour s’entraider, se partagent la préparation des repas, la surveillance des enfants, le lavage des vêtements, etc. Tous assis en rangée, comme s’ils attendaient quelque chose qui ne venait pas. Dans les yeux de ces gens, on peut lire tension et tristesse. Est-ce que la structure des bâtiments encore en place va résister aux prochaines heures? La population est impuissante face à cet évènement. Ils sont là à réciter des prières, en espérant l’arrivée des secours.

Les sinistrés, ceux qui ont tout perdu dans le tremblement de terre, sont installés partout dans les rues, les parcs et cours des écoles. Ils ne savent pas où aller. Dans la majorité des cas, ils ont tout perdu. Déjà appauvris par une situation économique difficile qui touche l’ensemble du pays, le tremblement de terre est venu tout bousculer. Dans les zones calmes de la ville, dans le secteur du Carrefour, les gens ont fabriqué des abris avec des couvertures et des branches d’arbre.

La pénurie

Depuis la fin de semaine, une nouvelle réalité accompagne le malheur des sinistrés. La pénurie. Elle s’accompagne de colère et de frustration. L’eau potable et la nourriture se font rares, sans compter que les prix des produits d’hygiène (savon, dentifrice, etc.) et du carburant ont littéralement grimpé en flèche. Par exemple, un litre de carburant qu’on pouvait acheter pour 180 gourdes le litre (35 gourdes pour un dollar canadien), avant le tremblement de terre, se vend maintenant (18 janvier) 600 gourdes. Voilà une situation pénible pour une population qui souhaite désespérément quitter Port-au-Prince. Comment quitter la capitale quand le coût du transport a triplé?

Je suis logée dans le village de Montrouis, à 70 km de Port-au-Prince, sur la route Nationale 1. Des camions de construction, des autobus scolaires et des tap-tap remplis de gens circulent toute la journée. Des scènes pénibles. Les gens sont installés de toutes les façons pour quitter la capitale.