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La tutelle plane sur la Municipalité de Saint-Placide

Photo Vincent Yergeau – La Municipalité de Saint-Placide compte près de 1 800 habitants.

La tutelle plane sur la Municipalité de Saint-Placide

Publié le 06/05/2023

La Municipalité de Saint-Placide sera-t-elle mise en tutelle ? C’est en tout cas ce que recommande la Commission municipale du Québec, par l’entremise de sa Direction des enquêtes et des poursuites en intégrité municipale (DEPIM) qui reproche aux élus actuels de cette petite municipalité de 1 784 habitants d’avoir engrangé à ce jour des dépenses de 661 002 $ afin de réintégrer une employée qui avait été destituée de ses fonctions en juin 2019 par les élus qui étaient alors en poste.

« La DEPIM ne peut que déplorer les nombreuses irrégularités dans les décisions prises par les membres du conseil […] et elle est préoccupée par leur capacité à répondre aux enjeux à venir en matière de ressources humaines. Une saine gestion des deniers publics implique, à notre avis, que le conseil soit supervisé dans la gestion des ressources humaines afin d’éviter d’autres situations semblables », écrit la DEPIM dans un rapport d’enquête rendu public le 25 avril dernier.

Une histoire qui remonte à 2018

Toute cette histoire résulte de la destitution d’une employée de son poste en 2019 à la suite de plaintes en harcèlement psychologique portées contre elle. Ces plaintes avaient été jugées fondées dans un rapport d’enquête d’une firme en ressources humaines que la Municipalité, alors sous la gouverne du maire Richard Labonté, avait mandatée en novembre 2018 pour vérifier les faits allégués.

D’abord suspendue, à la lumière de ce rapport d’enquête, le 6 février 2019, l’employée en question est officiellement destituée le 22 juin 2019 par voie de résolution. L’employée entreprend alors de contester cette décision au Tribunal administratif du travail (TAT).

Après une première journée d’audience devant le juge administratif du TAT, il y a élections municipales à Saint-Placide et, à l’issue de celles-ci, un nouveau conseil et un nouveau maire, Daniel Laviolette, sont élus le soir du 7 novembre 2021. Seuls deux membres de l’ancien conseil municipal sont réélus.

Dès décembre 2021, le nouveau maire entreprend des démarches pour mettre fin à ce litige. Plus tard, le 17 juin 2022, le procureur de la Municipalité écrit au juge administratif du TAT en affirmant que : […] le dossier est réglé dans ses enjeux essentiels : que le conseil municipal annulera les résolutions de suspension et de destitution; que le conseil municipal réintégrera [l’employée] au poste de […]; et que le conseil municipal paiera à [l’employée] une très importante somme sur laquelle il y a entente.

Après diverses autres démarches, le conseil municipal adopte, le 20 septembre 2022, trois résolutions; une première pour annuler la destitution de l’employée et autoriser sa réintégration; une deuxième pour lui verser une indemnité de 500 000 $; et une troisième pour un règlement d’emprunt de 800 000 $ à payer sur une période de 10 ans et à être remboursée par l’imposition d’une taxe sur l’ensemble des immeubles imposables du territoire de la Municipalité. Le règlement d’emprunt n’avait toujours pas été approuvé par le ministère des Affaires municipales en date du rapport de la DEPIM.

Le 17 octobre 2022, l’employée est réintégrée dans ses fonctions. Contrairement aux demandes de la Municipalité, l’employée « n’a pas bénéficié d’un encadrement médical pour favoriser une meilleure gestion de ses émotions ». Cette réintégration entraîne le départ de deux employés à l’origine de l’enquête de la firme en 2018, un ayant pris sa retraite et un autre étant en arrêt de travail et n’ayant toujours pas réintégré ses fonctions.

Aussi, au lendemain de cette réintégration, une autre employée part en arrêt de travail, invoquant notamment comme motif le retour de l’employée destituée. Un dossier à cet effet a été ouvert à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail et le TAT a été saisi de l’affaire qui fait aussi l’objet de pourparlers de règlement à l’amiable.

« Une guérilla qui n’aura fait […] que des perdants »

Selon la DEPIM, « la décision de réintégrer l’employée était irrégulière et le processus a été entaché de plusieurs vices majeurs et d’erreurs grossières. Des centaines de milliers de dollars de fonds publics ont été dépensés sans assises solides […] Nous considérons qu’il s’agit d’un usage abusif de fonds publics et d’un cas grave de mauvaise gestion […] Malgré les sommes versées, la DEPIM ne peut que constater un retour à la case départ avec la réintégration de l’employée qui a reçu, à son tour, des centaines de milliers de dollars en indemnité. L’absence de décision du TAT sur les accusations de harcèlement psychologique laisse également planer un doute sur le climat de travail qui prévalait à la Municipalité à l’époque ».

Toujours dans ses conclusions, la DEPIM ajoute que « le litige avec [une autre] employée n’est pas encore terminé puisqu’il existe encore un litige au TAT portant sur les ‘’difficultés découlant de la décision [de] septembre 2022 et des aspects non résolus de la plainte’’ […] Il est fort probable que de nouvelles sommes soient versées à [cette] employée. »

« En somme, ce sont les citoyens de la Municipalité qui vont payer la note pour cette guérilla qui n’aura fait, au bout du compte, que des perdants », écrit, enfin, la DEPIM.

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